Le feuilleton de l’été 13

1
1894
Gars qui lit un feuilleton dans le journal

 

Il n'y a pas de sot métier. Enfin, presque pas.

 

Mappa girl était un succès. J'avais énormément de demande de guidage. D'autant plus que chaque nuit, les plaques des rues, et les numéros des maisons disparaissaient. C'était une aubaine. Parce qu'on ne pouvait pas dire que les touristes affluaient. Simplement, ils étaient perdus. Ils ne parvenaient plus à s'orienter.

 

J'étais là pour ça.

 

Au début, c'était un simple jeu. Il ne manquait que quelques noms, et quelques numéros. Pas toujours dans les mêmes rues. Mais tout au long de l'été, la tendance allait finir par s'inverser, plus que quelques noms et quelques numéros au milieu de rues anonymesâ?¦

 

Je sillonnais donc les rues. A pieds. Je n'avais jamais autant marché de ma vie, à part peut-être une fois. Mes pieds devenaient la partie la plus importante de mon corps. Je les enduisais de talc le matin, avant d'enfiler mes chaussures. Le soir, je les faisais tremper dans une bassine d'eau salée, parfumée au spéculoos. (Oui, j'écrasais un biscuit dans l'eau, tout simplement.) En retrouvant mes clients, je vérifiais le laçage de toutes les chaussures : il faut être bien chaussé pour bien marcher. La demande venait principalement d'hommes et de femmes venus chercher un parfum d'Europe, et de tous les curieux qui avaient appris et voulaient constater le manque de plaques par eux-mêmes. Il y avait des familles à casquettes, des filles seules probablement tentées par une rencontre, d'autres filles absolument imperméables < > à toute logique de couple (elles me l'avaient dit), des garçons qui cherchaient des filles, et des personnes un peu âgées qui cherchaient de la compagnie.

 

Les indications disparaissaient, c'était incompréhensible, mais ce n'était qu'un élément parmi d'autres de l'étrange logique de cet été-là. Le matin avant de partir travailler et le soir en revenant, je constatais sur les webcams les curieux mouvements de population : des touristes en grappe dans les sites archi-connus, qui n'osaient pas s'éloigner, de peur d'être perdus, des bruxellois en partance vers le soleil, et d'autres, occupés à entretenir leur bronzage artificiel, au nom de la loi.

 

Et toi, lecteur, est-ce que tu veux encore que je te fasse marcher ?

Ã? suivre

Aliette Griz

les feuilletons précédents :

12

11

10

9

8

7

6

5

4

3

2

1

1 COMMENT

  1. > Et toi, lecteur, est-ce que tu veux encore que je te fasse marcher ?

    OUI ! encore…

LEAVE A REPLY