Le feuilleton de l’été 7

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Gars qui lit un feuilleton dans le journal

 

Lecteur, ta vision du couple éclaté, je la comprends. Le couple n'est pas le héros de l'été. L'été, c'est fait pour batifoler, pour finasser, pour cagoler, (quand on est une fille), ou pour alpager (quand on est un garçon.)

Mais là, c'était reparti. Il repleuvait. Et Monsieur Détecteur pleurait un peu son amour enfui, pendant qu'on redescendait la Chaussée de Vleurgat.

Arrivés avenue Louise, le tram presque vide, pas suffisamment écrasé par la chaleur, pas assez moite et sexy, couina à nos oreilles, ambiance Sergio Leone.

Monsieur Détecteur sécha ses larmes, on arrivait chez des clients qui souhaitaient sécuriser leur maison bruxelloise avant de partir pour les vacances. Ce n'était plus le moment d'être sentimental. Il me proposa de l'assister, ambiance secrétaire à prospectus. Je lui posais plusieurs questions un < > peu techniques sur le goût des autochtones pour les produits de surveillance. Aucune réponse ne remplacerait un exemple, il sonna à la porte.

 

Les clients en question vivaient rue de la source. Le haut de la rue. Parce que le bas, dès qu'on dépassait la Place Loix, ça n'allait plus. Ils avaient une image de la ville très précisément découpée en fonction des zones réputées sensibles, et défendaient la thèse de la dangerosité du bas de Saint-Gilles, et de l'infréquentabilité de bons nombres de communes. C'était une thèse pratique, que Monsieur Détecteur ne démentit pas, en m'engageant à déplier et commenter le prospectus adéquat. Il avait un certain tact pour ne pas froisser ses (prospectus) clients, au risque de sembler défendre une idéologie de la ville basée sur la peur et la compartimentation des habitants en fonction de leur degré de respectabilité.

 

En attendant, on recevait les confidences de Madame, et un café. Le bitume, sous la pluie, l'été, non merci. Ils aimaient le café en capsules et les aménagements aussi indétectables qu'efficaces. Je souriais un peu jaune, mais les arguments étaient là. L'insécurité, ça n'était pas pour eux : un problème de gens pas assez organisés. Monsieur Détecteur écoutait les besoins, sans interrompre, prenait des notes, et promit un devis rapide, avec délai d'installation, et coût. Sans compter le petit geste commercial qui faisait toujours son petit effet.

 

Nous sortîmes de la maison. Je lui demandais si nous pouvions nous revoir, bientôt. J'insistais. C'était l'été, j'avais (besoin d'un personnage pour mon feuilleton) envie de me perfectionner en surveillance. Qui sait ? (Je serais peut-être une très bonne représentante ?)

 

Monsieur Détecteur hésita, comme s'il me cachait quelque chose. Il me tendit une carte un peu cornée, je pouvais l'appeler, si vraiment je n'avais rien d'autre à faire. Et si j'étais prête à prendre sur moi les phobies matérielles des autres. Il n'avait pas l'air de considérer ma vocation (mon feuilleton) très au sérieux.

 

« L'année prochaine, je me lance dans les détecteurs de connerie. », conclut-il d'un air las.

 

Et toi, la connerie, lecteur qui connaît la vie, la connerie, tu l'aimes, ou tu la quittes ?

 

Ã? suivre

Aliette Griz

les feuilletons précédents :

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2 COMMENTS

  1. Vite la suite, il cache quoi Mr Détecteur ?

    Et j’adore la description de la rue de la Source, que je connais bien : j’y ai des amis aux deux extrémités de la rue avant et après la place !! :-)

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