le feuilleton de l’hiver 10 : Le discours d’une reine

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La rencontre avait eu lieu. La reine Fabiola était fière d'elle, et de ce Monsieur, particulièrement sympathique. Peut-être parce qu'il ne parlait quasiment pas. Il écoutait. Et la reine aimait qu'on l'écoute.

 

Elle avait tout dit. Il avait tout compris. Même si son patronyme manquait un peu de panache. C'était parfait. Il était temps qu'elle s'y mette. Monsieur Détecteur avait installé une radio virtuelle sur son ordinateur, il suffisait de cliquer sur un bouton rouge, pour que la machine tourne, et, par un procédé qui serait beaucoup trop compliqué à expliquer, diffuse ses mots, à travers les enceintes masquées dans les équipements de surveillance  des maisons.

 

Ainsi, par une nuit de fin d'hiver, c'est d'une voix étonnamment assurée, que la reine s'adressât à ces ex-sujets :

'Chers amis belges, c'est la nuit, et vous ne le savez pas, mais je vous parle. J'ai tant de choses à vous dire. J'ai écrit des pages entières de messages à transmettre à l'humanité en général et aux Belges en particulier. Certains d'entre vous en sont persuadés, d'autres ont du mal à l’accepter, mais nous avons tous une mission sur terre. Une grande mission, qui dort chaque hiver, chaque nuit, sous nos paupières mais qu'il faudra accomplir, un jour ou l'autre. Je suis là pour vous aider.

 

L'idée est simple : prenons-nous tous en main. Nous sommes dans une impasse abyssale. Les enfants ne grandissent pas dans le monde qu'ils méritent. Les parents n'ont plus le temps d'être eux-mêmes. Les grands-parents savent bien, que la guerre n'était pas une solution, mais constatent qu'on n'a jamais la paix.

 

Il y a eu des tentatives, et ce n'est pas forcément facile de se résoudre à changer le monde, parce que, (on l'a vu dans les deux premiers feuilletons, mais ça la reine ne le savait pas), les stratégies altermondialistes restent en retrait, estompées avant d'avoir eu le temps de contaminer l'ensemble à bousculer, parce que, les rendez-vous citoyens ne portent plus l'espoir fou qu'une ligne directe est possible entre l'exercice du pouvoir et les attentes concrètes de tous les jours. Les hommes et les femmes d'aujourd'hui, en Belgique, sont surtout connectés sur internet. La vie est belle, chacun fait de son mieux pour s'en convaincre, à la fin de l'hiver. Mais ça manque d'un printemps, qui ne soit pas seulement botanique. Ã?a manque de solutions.

 

L'argent manque, aussi, nous dit-on. Et c'est vrai. C'est vrai que l'argent manque à tous ceux qui n'en ont pas. Mais pour ceux qui en ont, aussi peu nombreux soient-ils, et aussi sympathiques (tss tss, j'ai des preuves) il est temps de nous encourager à partager nos richesses, sans crainte de mauvaise gestion. On peut rêver. J'ai moi même renoncé à une partie de ma dotation, et le gouvernement chypriote privilégie le renoncement et la ponction directe, nous y viendrons tous.

 

Il est temps de renverser la vapeur.

 

Mais, et c'est là que mon propos se lance dans une voie de traverse, de celles qu'ont empruntées quelques hommes ou quelques femmes (mais on se souvient plus volontiers des hommes) déjà. De celles qu'on ne remarque pas, mais qui pourrait bien lancer une mode, sauf qu'on ne veut pas de l'éphémère, de la tendance qui nous tue, à force de nous tanner à être comme ci ou comme ça. Je propose un chemin qui ne passe pas par la rue de la Loi, qui n'emprunte aucunement l'Avenue Louise, ou le boulevard du Général Jacques, je propose qu'on se retrouve dans les rues oubliées de Bruxelles, et qu'on s'y croise sans forcément se parler. Mais qu'on s'amuse. Qu'on prenne un peu le temps de s'amuser, avant de se lancer à la tête les sapins qui gisent encore sur nos trottoirs.

Citoyens, ramassez vos sapins, et retrouvons-nous tous, non pas sur la Grand-Place (et puis quoi encore ?) mais au coin de la place Morichar.�

Ã? suivre

Aliette Griz

Ã?pisodes précédents :

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