le feuilleton du printemps 8 : l'épisode 'c'étaitâ?

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feuilletonprintemps©AlietteGriz

C'était formidable. Enfin, plus ou moins.

 

Quittée. Elle avait été larguée. On n'est jamais complètement à l'abri d'une saute d'humeur qui finit comme ça, en saut dans le vide, la vie.  Mais on peut s'en prémunir en oubliant les hommes. Les femmes. Restent les chiens. La Fille Très Belle savait qu'elle finirait avec un chien. Les idées légèrement affectées par ce-qu'elle-aurait-dû-voir-venir-et-pourtant-pas, elle avait du mal à fixer sa pensée sur un point précis qui lui permettrait de tenir. Nerveusement. Elle n'avait pas tellement envie d'aboyer, mais s'il le fallait, elle était prête à essayer. On aboie avec sa gorge, ça remonte, ça remontait, et ça y était… Elle pleurait. Ah, ça faisait du bien. Le passage obligé de ce qu'on a bêtement gardé si longtemps, les erreurs et les non-dits qui viennent en vérité de l'instant : merci à tous les coups pris et rendus, c'est le moment d'encaisser.

 

C'était salé, et salement douloureux. Mais bon, s'il le fallait. Ok pour cinq minutes. (Après, elle rangerait les shampoings sur les rayons de son salon de toilettage.)

 

Cinq minutes, elle pleurait encore.Ã?a prenait du temps.

 

Tant pis, les goutteraient sur les étagères, mais elle avait du travail. On pouvait très bien pleurer en travaillant.

 

C'était arrivé presque comme ça, sans avertissement, un matin. Ce matin… Et c'était peut-être mieux comme ça. La Fille très belle savait que si elle téléphonait aux cinq personnes avec qui elle avait l'habitude de parler : du Flamand, de chiens, de sa mère, et de ses problèmes, aucune ne serait surprise, et toutes conviendraient que 'depuis quelques tempsâ?, (depuis le début), ça n'allait pas. Une histoire qui ne roule pas. On en veut, mais l'histoire d'amour a un sale caractère, et n'arrête pas de se plaindre qu'il est pas assez tendre, qu'elle a trop de copines, qu'ils sont mal assortis, qu'on y croit plus.

 

C'était dur, mais elle ne téléphonait pas. Parce qu'elle pleurait. Elle avait déjà essayé de pleurer au téléphone, avec le Flamand, justement, et l'expérience lui avait appris que cela ne donnait pas grand-chose. Ã? part des sons plus ou moins accusateurs, que le Flamand n'aimait pas, et à chaque fois, il lui raccrochait au nez, coulant, rougi, et dégouté.

 

Par contre, pleurer en rangeant des shampoings, c'était beaucoup plus convaincant. Il fallait juste tamponner de temps en temps les larmes, pour ne pas être aveuglée.

Ã? suivre

Aliette Griz

Ã?pisodes précédents :

7

6

5

4

3

2

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