le feuilleton du printemps 1 : la fin des doudounes

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1999

feuilletonprintemps

 

L'hiver était… liquidé.

Il en avait bavé, on en avait bavé, du petit matin qui gèle, jusqu'au Griz qui s'engèle (oui, Griz n'était pas fière, mais elle avait eu des engelures aux doigts, manifestation peu sérieuse en elle-même, mais, qui avait eu du mal à être diagnostiquée, accompagnée d'une petite tendinite qui l'avait coupée en plein élan : feuilleton de l'hiver sur le carreau.)

 

Parce qu'écrire les feuilletons, Griz avait bien aimé ça, depuis le départ. Mais ça lui prenait du temps. Est-ce qu'on peut tout écrire à la force du poignet ? Est-ce qu'il ne faut pas restreindre les projets, surtout littéraires, à des espaces appropriés : perso vous avez dit perso… Et puis son banquier, qui n'avait pourtant rien à faire dans cette histoire, mais-qui-était-attaché-à-l'exactitude-absolue-transmise-par-voie-postale avait été très clair : un relevé de comptes, c'est un relevé de comptes.

 

Mais Griz n'en démordait pas : elle voulait absolument être un écrivain public, à tendance bénévole, et, n'ayons pas peur des mots, faire du street writing, un peu plus au Nord, au Sud, à l'Est, vous avez dit à l'Ouest ? De Bruxelles.

 

On s'y perdait. (Je m'y perdais, enfin Griz. La fille qui te propose une partie des feuilletons à la première personne du singulier, puis passe à la troisième : impersonnalisons un peu, avant de se demander si l'auteur ne doit pas un peu plus de respect au lecteur. Je suis désolée.

 

Mais ce n'était pas si simple. On a une conscience professionnelle, ou on n'en a pas. Les sapins! Elle ne pouvait pas laisser tous les personnages du feuilleton errant vers la place Morichar, revenir la hanter chaque nuit avec des sapins à la main, en attendant qu'elle veuille bien prendre la peine de venir raconter l'épilogue du feuilleton de l'hiver.

 

Et pas moyen d'annoncer au lecteur que 'c'était passé trop vite, heinâ?. Ã?a risquait de ne pas passer du tout. Et puis quoi, encore ? On avait caillé jusqu'en avril bien tapé, aucun répit. (Les longues soirées d'hiver, tu as eu amplement le temps de les laisser t'envelopper de leurs glaces, tandis que tu geekais sur facebook, en attendant l'inspiration, se disait Griz.) Et maintenant, Bruxelles se réchauffait. Les habitants se réjouissaient, tandis que se préparaient tout un tas de petits événements qui signaleraient aux citoyens hagards, la fin des doudounes. On s'approchait du temps des Fancy Fairs (dont la littérature s'est trop longtemps tenue éloignée.) Les pressings faisaient des prix, les parcmètres fleurissaient, les trams couinaient (un tram qui couine au printemps émet un son différent que le même tram qui couine en hiver, il n'y a rien à faire, c'est comme ça.)

 

Et Griz s'y remettait.

(S'en remettait. Ã? la place des engelures, ne restait qu'une imperceptible boursouflure, la tendinite allégée par les quelques degrés gagnés : sauvée.)

Aliette Griz

Ã? suivre

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