Uccle : le confinement vu depuis le « Cavell Village »

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Uccle

Ce matin, je me réveille, les yeux écarquillés par la lumière du soleil qui passe à travers les stores vénitiens dans la chambre où je me suis réfugiée pendant cette période de confinement. Je me trouve pendant le temps qu’il faudra dans le quartier de la rue Vanderkindere à Uccle, que certains.es l’appellent le Cavell Village.

Cavell Village

Ayant subi récemment une opération de la jambe gauche, je ne peux toujours pas assumer seule les tâches de la vie quotidienne. J’ai rapidement fait le tour de ma famille et de mes amis pour trouver un joyeux ménage qui pouvait m’accueillir et c’est tombé sur cet ami qui se trouve dans un quartier que je connais bien. Pour la petite histoire, j’y suis née et j’y vais régulièrement rendre visite à d’autres qui y logent aussi.

La rue est plutôt commerçante, des petites enseignes, et vous y trouverez aussi quelques cafés et restaurants. Nous sommes dans un quartier normalement plutôt vivant même s’il reste à prédominance résidentiel.

D’un côté, vous avez les lieux dits de la Bascule, près de l’Avenue Louise et de l’autre, la place Vanderkindere, qui elle se situe à la frontières avec Forest. Le Cavell Village est en réalité l’association des commerçants qui gravitent autour de la rue Edith Cavell.

Ce samedi de confinement

Ce jour est souvent réservé aux familles pour faire les courses de la semaine, et encore plus, il fait beau. Les terrasses surmontées de chaufferettes devraient déjà être habitées, dans le confort d’un quartier qui n’est pas si éloigné de quelques écrins de verdure où logent toute une peuplade de perruches.

Très peu de sons de la rue arrivent jusqu’à ma fenêtre : la Belgique est en confinement pour éviter la propagation du virus COVID-19. Celui-ci est à la source d’une épidémie, même d’une pandémie qui traverse le globe. Il s’agit d’un virus connu mais nous, les êtres humains, avons peu d’immunité pour lutter contre lui. Notre pays a choisi de limiter les contacts pour que ce virus ne se propage pas plus.

Les règles

Les règles sont les suivantes : seuls les commerces alimentaires, les pompes à essence, les librairies, les pharmacies et les coiffeurs peuvent rester ouverts, une personne par 10m2 dans les supermarchés, un mètre cinquante entre les promeneurs qui se croisent en rue, une personne à la fois dans les petits commerces etc. Evidemment, que la rue est plus calme et des files, encore petites, se forment devant les différents commerces de bouche ce samedi midi.

J’en profite pour faire moi-même quelques emplettes armée d’un sac à dos et de deux béquilles. La rue s’est pratiquement transformée en piétonnier, ce qui permet de respecter les distances sanitaires. Les voitures sont vraiment rares et roulent au ralenti. J’observe que les personnes que je croise sur le trottoir me calculent : « Est-elle à un mètre cinquante ou à un mètre vingt de moi ? » Avec parfois des regards désapprobateurs dus à ma lenteur de réaction et d’adaptation. Ils vont se calmer, j’ai mal à la patte tout de même.

Le boucher

J’arrive chez le boucher qui respecte le nombre et la distanciation entre les clients. Je suis la troisième dans la file et nous nous tenons tous à distance sanitaire les uns des autres, enfin, ce n’est pas ce que le monsieur devant moi me montre de ses yeux perçants et craintifs. Il faut pourtant que je trouve un endroit où je peux facilement m’appuyer.

Quelques minutes plus tard, le boucher m’apporte un tabouret plastifié de cantine des années 70 car « si je mets un banc les gens vont s’amasser devant mon étale« . Je bouge dans la file qui avance, avec mon tabouret, distanciation sanitaire oblige, sinon certains se retrouvent vraiment loin de l’enseigne. Autant le dire, c’est moyennement pratique avec des béquilles.

Une fois à l’intérieur, un autre client termine sa commande et attend la préparation de son paquet. Il est à trois mètres de mois. Que voulez-vous, avec mes béquilles, je pourrais en faire du hachis : nous sommes tout de même dans une boucherie. Il sort Entre alors un nouveau client pendant que je paye par carte. Mais voilà que le terminal est à l’entrée de la boucherie et que le nouveau client me frôle pratiquement la béquille droite. Un vent de panique souffle sur nos vêtements et je n’ai pas pu m’écarter comme j’aurais pu si j’avais été valide. Mais ça va, il a l’air plus décontracté qu’un bon nombre de personnes que j’ai croisées ce matin. Tant mieux, je commence à avoir ma dose de méfiance à mon égard.

L’animalerie

Mon chat mange des croquettes naturelles anglaises et le seul endroit qui les vend se trouve en face du boucher, toujours rue Vanderkindere. J’y vais, d’un pas à béquilles aussi leste que possible.

La vendeuse, d’habitude si souriante et avenante, se cache derrière sa porte vitrée entre-ouverte. Je m’en rapproche pour lui demander si elle dispose encore de ce dont j’ai besoin. Mais au vu de son geste de recul, ce n’était visiblement pas la meilleure idée que j’ai eue. Elle met le tout dans un un sac en papier. Après avoir désinfecté son comptoir, son terminal Bancontact, la poignée de la porte, pris ma carte de banque avec un morceau de papier-tout, elle me tend ma course et me dit « Prenez-soin de vous! ». J’ai été surprise par cette injonction même si en réalité je la retrouvais un peu tout de même malgré toutes ses précautions.

A l’intérieur

Je passerai le reste de ma journée à l’intérieur jusqu’à 20 h où je sors tout de même le museau pour m’imprégner des applaudissements de tous ceux et toutes celles qui tiennent à être à ce rendez-vous pour remercier le personnel soignant.

Je n’applaudirai pas moi-même, même si j’observe de mon enclave, les fenêtres illuminées dans les façades assombries par la nuit, les silhouettes qui fond du bruit à heure fixe, ensemble.

C’est terriblement émouvant, d’être synchronisé à ce moment, alors que j’ai peut-être croisé ce matin leur regard méfiant. Dans le fonds, ce n’est peut-être pas si grave, c’est juste tellement humain, qui sait, cette peur et ce besoin de se rassembler autour d’une cause positive qui transcende la maladie, la mort.

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Après Uccle, votre commune ?

En ces temps quelque peu moroses, alors que nous sommes tous confinés, l’équipe de BXLBLOG a décidé d’écrire. Sur l’ambiance qui règne dans nos belles communes bruxelloises, sur les gens… On a donc commencé par Koekelberg, Watermael-Boitsfort puis maintenant Uccle et on essaiera de le faire pour les 19 communes. On essaiera car on n’est pas présents dans toutes les communes.

D’ailleurs, si tu habites une des dix-neuf entités, que tu as envie de raconter ce qu’il se passe tout près de chez toi quand tu sors faire tes courses : WELCOME. Un petit mail et c’est parti.

Prenez soin de vous les gens.

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Je suis assez âgée pour avoir connu l'époque sans GSM et sans Internet. Juste que maintenant je ne peux pas me passer ni de l'un ni de l'autre. Je n'ai pas toujours vécu à Bruxelles mais c'est dans cette ville que mes parents qui viennent d'endroits fort éloignés sur le globe ont choisi un jour de s'installer. Ils n'y sont plus mais moi j'y suis restée.

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