Représentation minimale garantie et « faux Flamands »

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L’information a fait peu de bruit comparé à d’autres transferts politiques ou limogeages footballistiques, mais un parti bruxellois néerlandophone vient de recruter une candidate francophone (le temps que je commence à écrire ce billet, la RTBF en parle aussi) Ce n’est pas une première, une francophone a même déjà été élue sur « quota » néerlandophone au parlement bruxellois en 2009 (la VRT présentait certains enjeux d’une telle candidature). Avant la transformation de Bruxelles en une entité fédérée, cette problématique avait également déjà été évoquée lors de l’élection de « Faux Flamands » au conseil de l’agglomération.

Cette actualité me sert de prétexte pour évoquer la composition du parlement régional bruxellois qui est organisée autour de deux groupes linguistiques. Suite à l‘accord du Lombard, le rapport de force entre les listes francophones et les listes néerlandophones est désormais figé. Sur les 89 députés, 72 sont élus sur des listes francophones et 17 sur des listes néerlandophones. Même si l'expression porte mal son nom, il s'agit d'un mécanisme de représentation « minimale » garantie pour les Bruxellois d'expression néerlandaise. Peu importe le pourcentage de voix accordées à ces partis, ils se partageront toujours 17 sièges. L'électeur bruxellois (belge donc) est libre de choisir de voter pour les 72 francophones ou pour les 17 néerlandophones.

Je n’étais pas une petite souris au moment des négociations, mais différents arguments

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ont été avancés. Il s’agit d’un mécanisme de protection des minorités (auparavant les sièges attribués au groupe néerlandophone était strictement proportionnel à la somme des scores des listes néerlandophones) et c’était évidemment un des arguments mis en avant pour justifier le dispositif. Ce qui est moins bien perçu (même si – faut-il le rappeler – pour introduire une telle modification d’une loi spéciale, il fallait un large consensus, à savoir une majorité spéciale au parlement fédéral: l’approbation à 2/3, avec une majorité dans chaque groupe linguistique), c’est la surreprésentation des néerlandophones par rapport à leur score lors des élections précédentes.

Cette surreprésentation a une double justification. La première était qu’à la fin des années 1990, le Vlaams Blok était le premier parti flamand à Bruxelles. Le risque existait qu’il obtienne une majorité absolue de sièges au sein du groupe néerlandophone et qu’il bloque

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les institutions bruxelloises en devenant arithmétiquement incontournable. Augmenter le nombre de sièges pour les néerlandophones permettait, tout aussi arithmétiquement, d’augmenter la proportionnalité de l’élection. Ainsi, les autres plus petits partis néerlandophones pouvaient-ils espérer un siège. Automatiquement, on diluerait la part du Vlaams Blok. L’autre justification tient au travail des députés dans les commissions. Ils étaient trop peu nombreux pour siéger efficacement, à défaut du don d’ubiquité (d’autant que certains parlementaires régionaux siégeaient également aux parlements des communautés – on en reparlera prochainement).

Il n’est pas anodin de souligner que, autant l’électeur reste libre de choisir le collège linguistique de son choix dans l’isoloir (et d’en changer d’une élection à l’autre), le choix de la langue est
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lui irréversible pour le candidat. En effet, la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises (art. 17) indique que « Tout candidat au (Parlement) doit, dans son acte d’acceptation de candidature, indiquer le groupe linguistique auquel il appartient. Il continue à appartenir à ce groupe linguistique à chaque élection [ndlr: < > du parlement bruxellois] ultérieure« . Sans doute cette contrainte a-t-elle pour but de limiter le « shopping » politique en fonction des opportunités, même si on peut se poser la question du caractère fair-play de la présentation de candidats « faux Flamands » sur les listes néerlandophones. En effet, comme l’article de la VRT le soulignait, il est plus facile pour un candidat de décrocher un siège néerlandophone qu’un siège francophone. Il faut environ 6 fois moins de voix, même si les électeurs doivent avoir le réflexe de choisir le « bon » collège linguistique au moment de voter, les écrans de vote ne présentant que les listes du collège choisi et non l’ensemble des listes comme le ferait un bulletin papier.

Cette irréversibilité est décriée, mais il faudra réunir une majorité spéciale au parlement fédéral (où les Bruxellois sont largement minoritaires) pour modifier ce point. Autant dire que si les Bruxellois n’arrivent pas à intéresser leurs voisins wallons et flamands à cette problématique, il est peu probable que cet article soit modifié. C’est une illustration parmi d’autres de la dépendance de Bruxelles vis-à-vis des deux Communautés du pays, mais c’est aussi une garantie de la stabilité du système politique et du respect des équilibres linguistiques.

 

 

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