Touche pas à ma poste

4
1810

Plus personne ne peut plus ignorer que les bureaux de poste ferment les uns après les autres. A Bruxelles, il ne devrait plus en rester que 35 au 1er janvier 2010. Les réactions fusent de toutes parts. Tant du côté du personnel que de la clientèle.

Les bureaux de poste vont fermer les uns après les autres, un sur deux à Bruxelles. C'est certain. Et cela ne plaît pas à grand monde au sein de la maison et encore moins à la clientèle. La Poste doit, selon son contrat de gestion signé avec le gouvernement fédéral, maintenir au moins UN bureau de poste par communeâ?¦ Dans une commune de 5000 habitants, ça passe sans problème. Quand il y en a plus, cela coince parfois voire souvent. De l'autre côté, on rétorque que des points-Poste ouvrent çà et là pour palier aux fermetures des guichets. Mais cela, non plus ne plaît pas à tout le monde.

« Je ne comprends pas pourquoi la Poste fait cela », explique Régine, dépitée. Cette dame d'un certain âge, qui habite Neder-over-Hembeek, a ses habitudes au bureau de la place Peter Benoît. « Je ne suis pas une adepte de l'e-mail, je n'ai d'ailleurs pas d'ordinateur chez moi. J'ai des amies qui habitent de par le monde. J'aime à correspondre avec elle. Comme mes envois sont souvent accompagnés de colis de diverses tailles, je dois me rendre à la Poste. Pas moyen de savoir combien je devrais payer. Maintenant je vais devoir aller au Delhaize, où je ne vais pas d'habitude. Je vais me retrouver entre le pey et ses deux bacs de bières et une madame qui voudrait échanger son gel doucheâ?¦ Pourrais-je avoir autant confiance en une personne, certainement très respectable, mais qui n'a pas la culture du service public. J'étais enseignante, pour moi cela compte. J'irai, puisque je n'ai pas le choix. Mais je suis très déçue. »

Et s'il y a un problème, qui est responsable ?

Régine n'est pas seule, elle est accompagnée par sa petite-fille, Lucile < > . Elle ne comprend pas bien les réticences de sa grand-mère. « Il n'y aura pas beaucoup de différences », lui souffle-t-elle. « La caissière va prendre ton pli, le peser et le mettre à envoyerâ?¦ Où est le problème ? Personnellement, je pense que la poste n'a plus vraiment raison d'être. En tout cas, moi, à 20 ans, je n'y vais jamaisâ?¦ » C'est par une question que la mamy répondra à la question de Lucile. « S'il y a un problème avec mon colis, à qui je demande des comptes ? Au Delhaize ? Ou à la Poste ? » La jeunette ne sut que répondreâ?¦ Grommelant entre ses dents qu'elle n'aurait, de toute façon, « jamais raison ».

Avant, j'étais fier

Un facteur, rencontré par ailleurs, est très virulent contre son employeur. « Géoroute 2, suppression des boîtes rouges, fermetures de bureaux, ouvertures de points-Poste, cela n'arrête pas », s'exclame un monsieur aux allures timides, qui préfère taire son nom pour ne pas avoir de soucis. « C'est qu'ils nous mettent la pression de tous les côtés. Toujours plus de travail avec moins de moyens. Ils n'ont que ces mots-là à la bouche. Ils font ce qu'ils veulent. Ils n'ont qu'une idée en tête : faire de l'argent. Mais ce n'est pas cela la Poste », maugrée le facteur. « Quand je me suis fait engager, il y a plus de 20 ans, j'étais fier. Je l'ai dit à tous les gens que je connaissais. J'allais avoir un bel uniforme pour rendre de nombreux services à la population. A l'époque, le contact avec la clientèle était important. Je me rappelle d'un chef qui me disait de prendre mon temps avec certaines personnes. Pour qu'elles gardent un contact social. C'est ce même rôle que doivent avoir nos guichets. Donner de la proximité et un lien à certaines personnes qui sont seulesâ?¦ C'est fini tout cela ! Et pas moyen de changer de boulot ! Qu'est ce que j'irais faire ? », demande-t-il plus que dépité par la situation.

Il n'est pas le seul à être désabusé par son travail. Jean a été muté de son bureau qui a fermé il y a quelques mois. Lui non plus ne veut pas être reconnaissable. « Je ne suis pas certain que ma hiérarchie apprécie mon témoignage à sa juste valeur. Ils ont tellement de plaintes à cause de la fermeture des différents bureaux qu'ils ne veulent certainement pas avoir de traîtres en interne. » C'est que Jean, comme le facteur, n'aime plus travailler à la Poste. « J'ai été muté dans un bureau où je ne connais personne. Je ne me sens pas à l'aise. Je ne suis pas intégré. Et cela ne me convient pas. Cela faisait 20 ans que je travaillais avec une équipe dont le noyau était resté quasi inchangé. C'est vrai, je travaille plus qu'avant. Je ne parle avec aucun de mes collègues ou presque. Mais je ne souris plus non plus. Je n'arrive plus. »

La vie change, tout change

Abdel , par contre, n'a pas tous ces états d'âme. C'est un jeune, il en veut et n'est pas très complaisant avec ses aînés. « Les anciens, ils ont plein d'avantages et veulent les garder. C'est pour cela qu'ils râlent tous avec les changements qu'instaure la Poste. La vie change. Tout change. Si on me demande d'aller travailler dans un autre bureau de poste, j'irai sans broncher. Il y a eu un temps où tout le monde a profité mais ce temps est révolu. Je vais avoir bientôt 26 ans, je me doute bien que dans 10 ans, il y a peu de chances que je travaille encore à la Poste. Je l'espère d'ailleurs. Parfois, je suis gêné quand j'entends les plaintes de certains de mes collègues lorsqu'on leur dit que leur horaire sera changé et que j'entends Cela fait dix ans que je fais autrementâ?¦ » Son copain du même âge essaie de le raisonner. « Nous n'avons pas connu les mêmes choses qu'eux » , lui dit Tarik. « Pour notre génération, avoir un travail c'est déjà extraordinaire. Regarde autour de toi le nombre de personnes qui sont au chômage. Et puis, il faut comprendre les gens qui n'ont pas envie de changer d'environnement. 20 ans à la même place avec les mêmes personnes, c'est le meilleur moyen de créer une sorte de famille. Normal que les gens ne veulent pas se quitter après autant de temps. Ã?videmment, c'est frustrant de les entendre se plaindre alors que nombreux sont ceux qui voudraient avoir leur place. Mais c'est comme cela. » Si les paroles de Tarik semblent apaiser son ami, ce dernier rétorque quand même que « certains feraient mieux d'ouvrir les yeux plutôt que de vivre dans le pass?
.
Cette palette de témoignages reflète le genre de réactions que nous avons collectées. Il faut préciser que la majorité des gens étaient assez négatifs sur tous les changements opérés par la poste et surtout sur les fermetures des bureaux de postes. L'incrédulité est assez généralisée et accompagnée d'un : « On ferme des bureaux où il y a des files, je ne comprends pas » . Les seuls qui semblent moins concernés par la problématique, ce sont les jeunes. « Avec le mail, la Poste n'a plus raison d'être, non ?« , ont-ils souvent répondu. C'est sans compter les gens qui n'utilisent pas le courrier électronique, les courriers professionnels, les recommandés, les colisâ?¦

A suivre : La position de la Poste, celle des syndicats, un cas bien particulier : celui de Neder-pver-Hembeeck et des réactions sur la créations des points-poste. Tous ces articles composent un dossier réalisé par Mateusz Kukulka publié le 18 novembre dans la Tribune de Bruxelles . Je posterai tout le dossier en deux jours, histoire de ne pas envoyer trop de post d’un coup ;-)

4 COMMENTS

  1. Ce qui est énervant dans l’histoire, c’est qu’il y a une logique, qui n’est pas nécessairement mauvaise: vouloir améliorer la rentabilité de la poste.
    Par contre, où on se fait avoir (nous public), c’est qu’on avale l’origine: l’ouverture de la poste à la concurrence.
    Mais dites moi donc qui va venir proposer (en Belgique, en France, n’importe) le service basique de distribution du courrier ordinaire?
    J’ose la réponse, tellement elle est logique: personne.
    D’une part, parce qu’il n’y a pas de connaissance du « marché », d’autre part parce que c’est ce service qui coûte cher, très cher.

  2. A l’age de l’email et de l’internet mobile, le courrier « ordinaire » n’a plus lieu d’être. Et pour les courriers plus gros, ça fait longtemps que des sociétés privées ont pris le relais. La poste est anachronique et sera vite oubliée…

  3. La fermeture de mon bureau de poste… une super nouvelle !

    Depuis que la librairie toute proche est devenue point poste, je suis reçu avec le sourire et je n’attends plus 15 minutes pour retirer un colis (le bureau avait 2 guichets, le libraire est tout seul).

    Je sais que tous les bureaux de poste ne sont pas comme celui qui a été fermé, d’ailleurs quand je ne devais pas prendre un colis, j’allais dans un autre bureau de poste bien plus sympa.

  4. […] Novembre. Le mois qui amènera beaucoup de mutations. Tout d’abord Barack Obama remporte l’élection présidentielles US, que je couvre à Bruxelles. Facebook, Twitter et autres bidules Internet font leur entrée par la grande porte dans la politique mondiale. Obama lancera son allocution hebdomadaire sur YouTube. Suivi en cela par Rudy Demotte, une semaine après. Sinon comme annoncé la DH passe à une format plus petit, avec une nouvelle maquette. Et moi j’y ai une page sur les blogs tous les mardis et une page où je fais des tests de soins et autres tous dimanches dans le nouveau supplément féminin, Lola. Sur le Politique Show, j’écris pas mal mais c’est la routine sauf, de nouveau, une grosse interview d’Elio Di Rupo. Mon dernier dossier pour la Tribune de Bruxelles : Touche pas à ma poste. […]

LEAVE A REPLY