Chauffeurs de taxi, ils ne font pas tous le même métier (dossier)

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La Région bruxelloise compte 3200 chauffeurs de taxi pour un total de 1?200 véhicules qui tournent, pour certains 24 heures sur 24. Dossier.

Indépendants ou salariés, les chauffeurs de taxis passent de nombreuses heures dans leur voiture. Certains roulent uniquement la journée. D'autres la nuit. Quelques-uns font les deux, « mais c'est beaucoup plus rare, nous dira l'un d'eux. Nous avons tous nos petites habitudes. » Rencontre avec trois chauffeurs qui vivent ce métier pas tout à fait de la même façonâ?¦

Fred, salarié depuis 4 ans, se lève tous les matins entre 4h30 et 5h. « Je commence en général vers 6h. Le matin, il y a pas mal de gens qui ont besoin d'être conduits à l'aéroport ou à l'un ou l'autre rendez-vous matinal. J'ai mes petites habitudes. Je me gare soit devant l'hôtel Métropole, soit devant le Sheraton ou je vais parfois à la gare du Midi, pour les gens qui descendent du Thalys. Ensuite, je vois cela dépend des appels que je reçois de la centrale. »

    C'est le client qui paye les deals

Jacques, lui, ne travaille plus avec une centrale. « J'ai commencé ce métier il y a 28 ans, je me suis maintenant fait ma clientèle, dit-il avec un accent bruxellois à couper au couteau. Je me suis assez engueulé avec ces câ?¦ pour me débrouiller seul. J'ai des deals avec des portiers d'hôtels, quelques concierges ou encore avec des barmen dans toute une série de bars. » Quand on lui demande quels genres de deals, il hésite un moment. « Je n'ai pas envie de me faire doubler. » Même s'il ne donne aucun nom, la peur de déflorer son carnet d'adresses reste présente. « Parfois, je rends un petit service. Je vais chercher gratuitement la femme d'un tel. J'amène mes clients dans certaines boîtes de la part d'un autre, ce sont des échanges de bons procédés. Mais parfois, un pourcentage de la course prévue est demandé. » Quand on lui demande qui paye le pourcentage, il avoue qu'il s'arrange pour récupérer ce qu'il a donné chez son client, en allongeant un peu la course. « Mais sinon, je vais toujours au plus vite et au plus court, je ne supporte pas ces chauffeurs qui baladent leurs clients dans tout Bruxelles pour augmenter le prix de la course. »

    50 euros de location par jour pour un taxi

Paradoxe que ne peut supporter Mohammed. Il roule depuis longtemps mais ne possède pas son taxi. « Je donne 50 euros par jour pour la location de mon véhicule et je dois encore payer l'essence. » Son horaire habituel, c'est 18h -?6h. Et ce, 6 nuits par semaine. « J'aime beaucoup conduire et parler avec les gens. J'essaie toujours de les conduire à leur destination sans allonger le parcours. Mais ce n'est pas toujours suffisant pour avoir un merci en retour. Certains clients sont vraiment mal élevés, vous parlent comme à un chien ou ne veulent pas payer parce qu'ils estiment que vous avez essayé de les voler. » Si elles l'énervent et le choquent, Mohammed comprend que des réactions pareilles surviennent. « Parfois, je vais manger un bout à L'échalote en fin de nuit, où l'on se retrouve à plusieurs chauffeurs. Certains m'expliquent comment ils ont arnaqué un client de telle ou de telle manière. » Il précise ensuite que la majorité des taximen n'agissent pas de la sorte et que le système actuel encourage les chauffeurs à la fraude.

Fred, pour sa part, avoue qu'il triche de temps en temps en n'allumant pas son taximètre « mais uniquement en période de vaches maigres. » Sinon, il n'aime pas voir le client comme « un gros pigeon ».

Ã?videmment, c'est Jacques qui gagne le plus des trois (3?000 euros net par mois). Mais c'est aussi celui qui a le plus d'expérience. « Il faut connaître les bons filons. Par exemple, j'ai un accord avec une boîte de strip-tease qui me donne 50 euros pour chaque client que je lui amèneâ?¦ Ca peut vite faire monter les gains. »

Mohammed avoue gagner 2000 euros pas mois. Parfois moins, parfois plus. Cela dépend des mois. « Je stationne devant les hôtels et j'attends les appels de la centrale. Je ne suis pas un acharné et je ne veux pas payer pour obtenir une courseâ?¦ »

Fred gagne seulement 1700 euros mais ne travaille que cinq jours par semaine. Il voudrait gagner plus. « Pour cela je devrais travailler la nuit. La journée, je peine à faire mieux. Mais je ne suis pas un oiseau nocturne. J'aime être chez moi le soir. » Il faudra faire un choix.

    Tous les articles de ce dossier réalisé par Mateusz Kukulka :

Le Plan Taxi est en route
Les mystery shoppers, ces contrôleurs anonymes
Le taxi bruxellois en brèves

Première parution : TBX n° 255, Page 8-9, paru le 2008-02-07

8 COMMENTS

  1. Super série. Tu viens quand à Paris compléter ton enquête ? Et pour Bruxelles, le prochain épisode sera-t-il consacré aux centrales ?

  2. Merci… je prévois de faire une série sur les transports en commun bruxellois… Ce sera pour le mois prochain.

  3. J’ai été chauffeur pendant 3 ans, histoire de payer mes études. La réalité est un poil différente quand même : en gros, c’est travail au noir quasi généralisé (dans mon ancienne boîte en tout cas) : déclaré chômeur à mi-temps, bosse déclaré à mi-temps, mais travaille full time… Voire déclaré chômeur complet indemnisé, et bosse full… La triche est, au contraire de ce que dit Mohammed, très généralisée la nuit. Suffit d’ouvrir les yeux : si pas de lumière allumée sur le spoutnik la nuit, quasi sûr que c’est de l’arnaque. Coup facile pour les chauffeurs qui coursent vers l’aéroport : mettre le tarif 2 sur l’avenue Bélliard, juste avant le tunnel… (On ne doit mettre le tarif 2 qu’à la sortie effective de Bruxelles, la plaque « Au revoir, blabla ». La course est gonflée de 15-20?, facile.
    Il y a, ce que j’appelais à l’époque, « le gang de Rogier ». Une bande de salopards qui se sont octroyés la gestion de l’attente au bas de l’hôtel Sheraton. Tiens, parlons de cet hôtel. Le portier a un sifflet, qui lui permet d’appeler les chauffeurs, s’il ne peut les voir de visu. Au moment où le taxi rejoint l’entrée de l’hôtel, il faut observer le portier. S’il fait un signe de la main qui monte vers le haut, ça veut dire que le client veut aller à Zaventem … et que le portier veut sa dime!!! (5?) Incroyable, vraiment! A cause de ce type, il faut gonfler la facture. Je l’ai fait une fois (lui filer le pognon), j’y suis plus jamais retourné.
    Le monde du taxi est vraiment répugnant, plein de sales plans et malhonnête à crever. Les chauffeurs sont d’une impolitesse crasse (sont collés à leur GSM), unilingues, et salissent la réputation de ce boulot.
    Moi, j’me levais à 5h30, commençais à 6h15, finissais à 16h30-17h, et j’étais content avec 50? de la journée, soit 5? de l’heure (le week-end uniquement).
    Pascal Smet a raison, depuis son arrivée à la Région, de vouloir mettre un peu d’ordre là-dedans. Mais ça va être très compliqué. Bonne chance à lui.

    PS : mon conseil à Pascal : des bus de nuit, tout le temps. Fuck the cabs.

    PS2 : non, Mateusz, pas de témoignage (j’me prémunis…)

  4. […] a été testé et pas approuvé, on a appris beaucoup de choses sur les pompiers, les urgences et les taxis, Jose-Manuel Barroso est un ami de bxl.blog, Moby est venu en concert plus si surprise au Belga […]

  5. La vie de chauffeur n’est pas facile, pas facile du tout, c’est surtout avec l’expérience que l’on apprend plus sur le métier, et les astuces pour attirer ou avoir de la clientèle, et avoir sa clientèle c’est essentiel, vraiment..Un bon article, merci de partager les difficultés auxquels les chauffeurs de taxi font faces chaque jour.

  6. J’ai passé,donné ,15 ans de ma vie à ce beau métier,après avoir réussi l’examen pour BXL,un copain m’a dit,pourquoi tu ne ferais taxi à Zaventem,ce que je fis,après un examen « maison » j’ai été admis!Cela me sauvait la vie!pas de chômage!J’ai très bien gagné ma vie,,puis vinrent :la faillite de la Sabena,le 11 septembre,ce fut plus dur,mais à coup de 10 à 12 heures par jour des horaires parfois difficiles,être toujours volontaire pour « finir » la nuit,des départs pour de longues courses à la fin de mon service,ce qui faisait plus de 12 H.Mais la vie de taxi « aéroport  » est moins dangereuse que à la ville.Je suis « enfin » pensionné et il m’arrive de prendre un taxi,je n’oublie jamais un pourboire généreux,surtout pour les petites courses!
    Courage à tous ceux qui roulent encore,quand je vois le bordel des travaux..je suis content d’avoir été pensionné à temps!

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