Excusez-moi de vous déranger…

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En tant qu’usagers du métro bruxellois, nous sommes de temps en temps distraits dans notre concentration, dérangés dans notre bulle par quelque intrus faisant la quête. Chacun réagit de façon différente par rapport à cet inconnu tendant la main entre les rangées de la rame : il y a ceux qui font mine de n’avoir rien vu, rien entendu, qui ne relèvent même pas la tête, les écouteurs du iPod sont la preuve de leur bonne foi. Il y a ceux qui déclinent poliment la demande d’un geste de la tête ou de la main, parfois accompagné d’un « non merci » comme si on leur proposait une tasse de café. Il y a ceux qui n’osent pas dire non, ceux que, finalement, ça arrange bien de liquider quelques pièces de 5 centimes qui menacent dangereusement de trouer la poche du pantalon. Enfin ceux qui donnent de bon coeur, ému par le discours ou l’expression remplie de détresse.

Loin de moi l’idée de pointer le doigt en filigrane de ces observations, suivant le moment de la journée, l’humeur, la personnalité, on incarne plusieurs de ces profils. Observations qui renvoient aussi à son propre malaise : difficile de donner par exemple en regardant droit dans les yeux. Méfiance aussi, « c’est ça, bourre-toi la gueule ce soir avec mon pognon honnêtement gagné! Je ne te rends pas service. »

Dans le métro bruxellois, la quête a des allures de chasse gardée avec ses règles à respecter. Il est ainsi interdit de s’installer au détour d’un couloir avec son accordéon ou sa guitare. Encore moins dans la rame même. Des espaces spéciaux ont été aménagés pour ces troubadours du 21ème siècle. On imagine qu’il y a eu plaintes d’usagers, débordements, troubles de l’ordre public dans certains cas. Mais n’est-ce pas là aussi le reflet des limites de notre modèle de société, la remise en question de notre réussite ? Sans parler de l’acoustique de certaines stations qui font le plaisir de musiciens et autres amateurs de musique…

Vu dans le métro

Peut-être l’avez-vous croisé vous aussi : il est jeune et son discours tranche avec celui de ces « confrères » à l’intonation sans emphase et conviction. Il explique que ça va mal bien sûr dans sa vie mais qu’il a décidé de se battre (il frappe presque du point) pour sortir de sa situation de sans abri. Qu’il s’est inscrit à des cours pour devenir infirmier et aider lui-même ainsi son prochain. Mais que la vie est chère pour un sans abri : il faut payer pour laver son linge, pour se nourrir et se loger. Qu’en l’aidant financièrement, on l’aide à sortir de sa situation et à réaliser son projet.

Peut-être le discours est-il démago, mais on ne pourra pas lui reprocher d’avoir au moins trouver une manière de sortir du lot, d’attirer l’attention différemment. N’est-ce pas là aussi un facteur de réussite ?

Et vous, c’est quoi vos expériences ?

8 COMMENTS

  1. Il y a quelques élections de cela, j’ai vu débarquer un jeune candidat MR dans une rame de métro. Il a commencé par « rassurer » les gens en déclarant qu’il n’était pas un sdf et qu’il ne voulait pas d’argent (mon oeil), de tartine ou de cigarette… avant de poursuivre en appelant les gens à voter pour son parti. Mendier des voix. Surréaliste. Très belge. (sinon je suis un peu mal à l’aise avec ton analyse «  »marketing » »-double ration de guillemets- de la mendicité. Je pense que tous ces gars-et femmes- qui vivent dans une précarité parfois inouïe n’ont pas à devoir se « distinguer » pour avoir droit à une survie décente. Quelqu’un se rappelle des deux gars retrouvés morts dans un vide technique de la Stib, il y a trois ans? http://www.frontsdf.be/articles.php?lng=fr&pg=41)
    A+

  2. Ik heb er problemen mee omdat ik in Brussel al jarenlang dezelfde figuren zie die er hun hand opsteken (en meestal in hun ander hand een blik Cara) Ik zie dan ook niet in waarom ik die mensen geld zou willen geven.

  3. Je donne uniquement à ceux qui m’offrent qqc en retour. J’ai horreur des quémandeuses larmoyantes par contre, je suis très généreux avec ceux qui chantent, récitent un poème, jouent de la musique, offrent des bonbons dans les bouchons du bois de la Cambre….

    L’executive manager et fondateur de ma société actuelle a à une époque gagné sa vie en jouant de l’harmonica gare centrale. Comme quoi, il y en a qui s’en sortent.

  4. Huug, ik ga totaal akkoord met jij, cara pils drinken is een schandaal. Dat is waarom ik geef hen geld zo dat ze kunnen Duvel drinken… :-p

  5. Ca pince le coeur, mais en même temps on a un réflexe d’auto-préservation:
    – tant de demandes
    – doute sur l’authenticité (par exemple certaines côté grand-place font clairement leurs heures)
    – et en effet, est-ce qu’on rend service à quelqu’un en lui permettant d’acheter son cidre bon-marché.
    Que faire ? J’aurais tendance à penser que donner à des organisations s’occupant du quart-monde ou financant des abris est probablement plus efficace.

    A part ca, donner de temps en temps, ca aide à garder un coeur ouvert, je pense (c’est un exercice comme un autre). Et cela quelle que soit l’utilisation que le receveur en fait, c’est son affaire après-tout.

  6. Moi hier j’ai acheté à manger à un gars agenouillé Toison d’Or. Il etait ecrit sur son panneau qu’il avait faim. Il regardait apr terre, bougeait pas, comme s’il voulait prendre le moins d’espace possible au milieu de l’epace public. Comme s’excusant d’exister, mais reveindiquant sa part d’humanité. Parfois je fais ça, j’achète des choses pour manger pour les gens qui disent avoir faim.Je faisait la même chose avec les gosses et le saveugles en Afrique, je leur achetais de fruits. C’etait pour eux, après tout la faim ne se discute pas, et il n’avaient pas à le donner à des possibles adultes abusifs a la fin de la journée.

    Evidemment je ne peut pas sauver le monde de la faim, ni donner a chaque perosnne qui me demande a Bxl. Et je ne fais pas ça pour me sentir moins coupable d’etre du bon coté. Je le fais pq, après tous les discours, après toutes les theories, il est parfois plus salutaire et simple de donner. Comme ça, donner. Gratos. Je lui ait dit « Monsieur, c’est pour vous, à manger », il m’a regardé et m’a remercié. Je sais pas si j’ai sourit, j’ai du mal. Mais ça semblait très naturel de faire ce geste. Il a faim, je peux faire quelquechosse, un point c’est tout!
    restons humbles et humains…

  7. Il y avait aussi une jeune fille, devant la file du cinema, galerie Toison d’Or. Jeune, pas l’air intoxiquée,ses vetemetns pas sales, comme si sa position dans la rue etait plutot récente. Elle avait l’air triste. Je voulais aller lui parler,, qu’elle se lève et vienne prendre un the avec moi, qqchose. Qu’elle me parle de ce qui fait qu’on passe de l’autre coté, l’emplacement de la fine ligne entre le dedans et le dehors, entre la marge et le centre. J’ai pas pu y aller a sa rencontre. Deux mètres de pavés et plein de murs invisibles nous separaient, aussi absurdes qu’arbitraires. Peut etre un autre jour…

  8. Généralement je demande pareil si je peux leur acheter un truc à bouffer, j’ai déjà eu droit à un « non » quand j’ai proposé de filer mon sandwishe un midi…

    Y’a de tout effectivement, je me souviens un soir d’être rentré à schuman, et d’avoir vu une mandiante avec une gamine quasi en pijama la journée en hiver lui remettre le soir, un pull et une veste et se faire prendre dans une belle voiture, où on a tous vus un sdf se prendre ses carapils le soir…

    Depuis effectivement, je suis moins enclin à donner, mais c’est comme pour tout, y’a la véritable détresse humaine et les « commerciaux ».
    Généralement d’ailleurs, la véritable détresse humaine ne gratte pas la charité et se fait hélas discrette…

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