Avenue Louise, le pourquoi du comment

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ixelles

Nous avons reçu dans la boite mail de bxlblog la question suivante de Bidi :

L’autre jour nous sommes tombés sur un os dans notre quête effrénée du savoir : Quelle est l’origine historique de l’inclusion de la languette avenue Louise – bois de la Cambre et ULB dans « Bruxelles 1000 » ? Cette découpe étrange crée des morceaux d’Ixelles, de part et d’autre de l’avenue Louise. Etonnant …

La réponse pourrait être simple, mais ne l'est pas vraiment. Il faut remonter bien loin pour comprendre le pourquoi du comment, en expliquant Bruxelles au travers d'époques différentes :

Sous l’Ancien Régime, plusieurs hameaux ruraux et villages à clochers autour de la ville de Bruxelles dépendent d'un châtelain ou d'une abbaye, qui font partie de la « Cuve de Bruxelles » (Kuype van Brussel) . Cette cuve est une région périphérique de Bruxelles sur laquelle des échevins de la ville pouvaient, par autorisation ducale, lever des droits sur chaque cuve de bière brassée dans cette région. Cette Cuve comprenait en 1796 les communes de Molenbeek, Schaerbeek, Saint-Josse, Ixelles, Saint-Gilles, Anderlecht, Forest ainsi que l'ancienne commune de Laeken. La Cuve de Bruxelles était aussi appelée « La Franchise de Bruxelles » ou « L' Ammanie de Bruxelles », où l'Amman était une sorte de superbourgmestre et officier de police, directement nommé par le duc de Brabant, pour administrer non seulement la ville, mais aussi les villages de la cuve.

C'est en 1797, sous le régime français, que le Comité du Salut Public de la République Française traça brutalement des frontières < > . Ainsi, Bruxelles perdit sa qualité de « ville » et devint une simple « commune ». Le but du décret refléta surtout la volonté française de réduire Bruxelles à un rang de préfecture subalterne. Ce décret a d'ailleurs provoqué beaucoup de difficultés et d'opposition. Ce n'est qu'en 1813 qu'on envisagea de « réassocier » Bruxelles.

Sous le régime hollandais, l'affaire de « réunification » de la cuve fut étudiée avec bienveillance, mais avec extrême lenteur.

En 1836 dans une Belgique indépendante, le conseil communal de Bruxelles émit un vÅ?u pour la renaissance de la cuve. En 1853, un projet de loi allant dans ce sens fut introduit, considérant que cette fusion « importe à l'intérêt de la capitale comme à celui de ses faubourgs », mais qui fut rejeté par une majorité. En 1902, Léopold II insista par une lettre adressée au ministre De Trooz pour l'unification de la capitale et des anciens villages de la Cuve, dont la plupart s'étaient étendus au point de devenir des faubourgs soudés à la ville, mais une fois de plus, le gouvernement à majorité catholique ne souhaitait pas voir grandir cette grande tache d'huile libérale. En outre, certains députés non-bruxellois estimaient que Bruxelles ne devait pas devenir une ville plus grande qu'Anvers, Gand ou Liège.

Bruxelles revint plusieurs fois à la charge, dans le but de gérer d'une façon cohérente et harmonieuse les politiques d'urbanisme, de voirie, de police. Mais le parlement s'opposa toujours à la fusion de ces communes. Malgré tout, la ville aura obtenu quelques annexations partielles :

  • 1853 : le Quartier Léopold, bati par une société privée qui avait acheté le terrain à 3 centimes le mètre carré aux communes de Saint-Josse et Ixelles.
  • 1864 : l'Avenue Louise et ses abords, ainsi qu'une partie de la Foret de Soignes que la ville transforma en « bois d'agrément » (Bois de la Cambre).
  • 1897 : la pointe sud de Laeken et une partie de Molenbeek pour la construction de deux larges bassins (Bruxelles-Maritime) et une grande gare de marchandises (Tour et Taxis).
  • 1907 : la plaine du Solbosch , en vue de l'exposition universelle de 1910.
  • 1910 : la totalité des communes de Laeken , Neder-Over-Heembeek et Haren.
  • 1925 : des rectifications de frontières au détriment de la commune de Jette.

Mais voila, aujourd'hui, les « communes de la cuve » ne sont toujours pas réunies. Beaucoup sont ceux qui aujourd'hui pensent que c'est une des choses à faire à Bruxelles, que la gestion de la Région de Bruxelles-Capitale est fort freinée par ces 19 communes. Peut-être un jour, qui saitâ?¦

Cet article n'aurait pas été possible sans les précieux ouvrages de , qui toute sa vie a fait des recherches sur l'histoire de notre ville-région. Le texte de cet article est pour une majeure partie issue de son ouvrage « Dictionnaire historique des faubourgs de Bruxelles < > » qui devrait être facilement trouvable chez les bouquinistes dans le centre-ville. Je vous conseille également son autre ouvrage, « Dictionnaire des rues de Bruxelles » mais attention aux nostalgiques sensibles : les photos d'époque comparé à ce que l'on connait ont tendance à choquer.

9 COMMENTS

  1. Rah mince, moi j’étais convaincue que l’Avenue Louise était Bruxelles-Villoise uniquement pour permettre au Roi d’aller chasser dans la Forêt de Soignes sans quitter le territoire de la Ville…

  2. Et moi, je pensais – bêtement, je l’avoue – que c’était les ULBistes distingués qui trouvaient que « 1050 Bruxelles » sur leur carte de visite, ça ne faisait pas assez « lumière qui triomphe des ténèbres ». Au temps pour moi !

    Et merci @eMich pour ses recherches minutieuses sur le sujet ! :-)

  3. @Bidi

    D’autant plus que l’adresse officielle de l’ULB est bien située à 1050 Bruxelles :

    ULB
    50, avenue F. D. Roosevelt
    1050 Bruxelles

    Et c’est la Science (et pas les ampoules basse énergie…) qui est censée vaincre les ténèbres.

    ;-)

  4. […] Avenue Louise, le pourquoi du comment | bruxelles blog – Mich, un compère de Bruxelles blog répond de manière très documenté à la question suivante “L?autre jour nous sommes tombés sur un os dans notre quête effrénée du savoir : Quelle est l?origine historique de l?inclusion de la languette avenue Louise ? bois de la Cambre et ULB dans « Bruxelles 1000? ? Cette découpe étrange crée des morceaux d?Ixelles, de part et d?autre de l?avenue Louise. Etonnant ?” […]

  5. Moi je pensais que l’intérêt était économique. Comme il y avait plein d’entreprises et d’ambassades situées sur cet axe, Bruxelles-ville avait intérêt à les intégrer dans son territoire. Mais bon, en y réflechissant un peu ça semblait bien illogique comme raisonnement

  6. J’ai découvert votre blog par hasard et le trouve vraiment super! Je vais donc de ce pas l’ajouter à ma liste de liens.
    A bientôt donc.

  7. Bonjour,
    Pour Laeken, Neder-Over-Heembeek et Haren, la date d’annexion est le 30 mars 1921 et concernait aussi un petit bout de Schaerbeek situé entre le canal et le chemin de fer et un morceau de Molenbeek, dit Petit Molenbeek ou Faubourg d’Anvers entre Senne et Allée verte. La discussion, ouverte en 1911, avait été éclipsée par la guerre. L’extension n’a pu se faire qu’autour d’un objectif immédiat: l’extension des installations maritimes, cf. Projets d’agrandissement et annexions après la Première guerre mondiale, in La Région de Bruxelles, des villages d’autrefois à la ville d’aujourd’hui, Crédit communal, pp. 330 à 335

  8. Bonjour jfh, merci pour ta contribution. J’aimerai ajouter que le quartier Léopold à été annexé en 1963 et pas 1953. Pour le reste je trouve ça un aticle intéressant.

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