Concert Lady Gaga et Tony Bennett

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Malgré les réticences de ses détracteurs il était impossible de pas manquer cet événement qui a réussi à bouleverser l’ordre habituel de l’actualité.

Nous y étions donc, présents pour ce fameux mini-concert de l’excentrique Lady Gaga et du légendaire Tony Bennett. À première vue, le duo semble improbable… Lui, le vieux crooner de 88 ans, qui a traversé une période creuse et représente le dernier survivant d’un genre presque disparu. Elle, l’artiste fantasque, de l’âge d’être sa petite-fille, qui semble descendre les marches de la gloire aussi rapidement qu’elle les a gravies.

Leur rencontre remonte à quelque temps, lors de l’enregistrement d’un album de duos où Tony Bennett reprenait des standards avec une pléiade de chanteurs contemporains. L’un des morceaux d’ouverture de l’album était justement une version enjouée de « The Lady is a Tramp » en duo avec Lady Gaga, sortie pour Noël. Ce titre montrait que Gaga pouvait être plus qu’une simple caricature.

Il semble que le courant ait si bien passé entre ces deux New-Yorkais que, surprise générale, un album entier de reprises est sorti : Gershwin, Cole Porter, Duke Ellington… rien que du beau monde. Un album qui a conquis une majorité de critiques outre-Atlantique. Mais en live, qu’est-ce que cela donnait ?

À 21h45, la décision est prise de quitter l’appartement pour se rendre sur la Grand-Place. Se dire qu’une bonne demi-heure d’attente serait amplement suffisante. La Bourse a été transformée en centre de tri, invitation en main, en cinq minutes deux bracelets sont obtenus : un pour l’entrée, et un autre aux couleurs fluo du sponsor de la soirée. À l’arrivée sur la Grand-Place, l’espace n’est pas encore saturé. Certes, la foule est présente, mais c’est encore supportable.

L’occasion se présente alors d’observer le choc des générations : deux jeunes hommes dans la vingtaine se demandent pourquoi Gaga fait cela : « Finalement, tout le monde est là pour elle, on se fiche un peu de Tony Bennett, non ? ». Puis un couple dans la cinquantaine passe : « Ah non, nous sommes là pour lui ! ». À l’approche de 22h30, les balcons de l’Hôtel de Ville se remplissent de VIP, et on imagine facilement la vue imprenable qu’ils doivent avoir alors que la foule devient plus dense. La rumeur circule : certains auraient été autorisés à entrer sans invitation, certains invités n’étant pas venus. Comme quoi, la patience finit par payer.

Et le concert commence avec Cheek to Cheek, They All Laughed, Anything Goes (remarque d’une jeune fille devant : « Ce n’est pas une chanson dans Indiana Jones ? »). C’est agréable à écouter, et sur les écrans, on perçoit une réelle complicité entre un Tony Bennett élégant et une Lady Gaga habillée d’une robe en lamé doré. Au-delà de leurs origines italo-américaines et new-yorkaises, ils partagent aussi des études dans des écoles artistiques, ce qui leur fait déjà quelques points communs.

Alors, qui du vieux loup ou de la Mother Monster allait tirer son épingle du jeu ? Eh bien, ce sera le crooner. Chacun a eu l’occasion de chanter deux morceaux en solo, et le I Left My Heart in San Francisco de Tony Bennett a presque arraché une larme. Sa voix est assurée, profonde, ne vacille pas au moment où il faut tenir la note. Et cela, à 88 ans, après une autre prestation le même soir ! Un respect total. Et cela s’est ressenti dans les applaudissements : un public jusque-là plutôt calme s’est réveillé pour acclamer le crooner.

Quant à Lady Gaga, il faut reconnaître qu’elle possède une technique et une voix impeccables. Un talent souvent dissimulé derrière l’écran de fumée de son personnage… Pourtant, malgré cette technique et cette voix, il manque quelque chose. L’émotion ne passe pas. Pire encore, lorsqu’elle interprète Lush Life, un morceau plutôt désespéré qui nécessite des pauses et quelques notes aiguës, un spectateur anonyme choisit ce moment pour hurler à pleins poumons. Impossible de ne pas l’entendre. Résultat : éclats de rire et rires discrets pour les plus respectueux. Désolé, Nat King Cole !

L’opération aura sans doute permis de faire découvrir le jazz (et Tony Bennett, bien sûr) à une génération qui ne s’y intéresse pas vraiment. Une phrase souvent entendue lors de la sortie chaotique de la Grand-Place : « Finalement, c’était bien ».

Et si Lady Gaga laissait plus souvent Stefani Germanotta, la chanteuse de jazz, sortir de l’ombre ?