La Ville de Bruxelles choie son Roi et renie sa Petite Reine

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© omnia_mutantur

Je n’y ai d’abord pas cru : vaste blague? Le Gorafi? Et puis l’évidence : non, c’est pour de vrai.
La Ville de Bruxelles vient d’annoncer de nouvelles mesures entourant son piétonnier à l’approche de la rentrée scolaire. Et parmi celles-ci, la suivante : un cycliste roulant à plus de 6 km/h dans la zone piétonne sera susceptible d’être verbalisé parce que cette vitesse, jugée excessive, met en danger les piétons.

Je suis de celles et ceux qui pensent que la façon dont ce piétonnier a été réfléchi et conçu est plus que problématique : non-intégration des transports en commun, création d’un mini-ring et report de la circulation dans celui-ci et vers des zones d’habitation, mise en place à la va-vite… Tant de choses qui font qu’on a raté le tournant que Bruxelles aurait pu prendre : une ville repensant intégralement sa vision de la mobilité pour dissuader l’usage de la voiture et encourager tous les modes doux. Tout cela à un moment où l’on redit que Bruxelles reste une des villes les plus embouteillées d’Europe.

Mais repenser complètement la mobilité dans la ville aurait demandé qu’on prenne le temps de concevoir un autre centre et de mettre dans le coup les associations représentant les différents usagers de la ville (commerçants, société de transport en commun, riverains, cyclistes, piétons, personnes handicapées, etc.). Le temps, c’est précisément ce que les autorités de la Ville de Bruxelles ont négligé de prendre.

Depuis la mise en place de ce piétonnier, je ne sais pas pour vous autres qui roulez aussi à vélo, mais pour moi qui suis obligée de traverser Bruxelles d’ouest en est quotidiennement, le centre ville que j’expérimente ne ressemble pas tout à fait à ce que le bourgmestre socialiste de la Ville de Bruxelles Yvan Mayeur y vit…

Au contraire de ceci, mon expérience de cycliste quotidienne dans Bruxelles ressemble moins à une balade de santé un jour de fin août autour de 14h mais plutôt à ce que chacun sait de la ville aux heures de pointes. Du coup, je tiens moi aussi à faire ma liste de ce qui fonctionne moins dans ce piétonnier :

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  • La zone piétonne est souvent pleine de monde où circuler est difficile et par moments dangereux parce qu’aucune zone n’a été pensée pour le vélo. Et qu’on ne me dise pas qu’on manque de place il y a pourtant l’espace de 4 bandes de circulation…
  • Rouler le long du mini-ring est devenu à certains endroits impossible vu la pression automobile. Je pense par exemple à la rue de l’Ecuyer ou sa parallèle la rue Fossé aux Loups où je mets plus souvent le pied à terre pour pousser mon vélo sur le trottoir que descendre ces rues sans personne devant moi comme le fait M. Mayeur…
  • A de nombreux endroits, les pistes cyclables ont été tracées sur un revêtement dégradé. Le meilleur exemple sur mon parcours en est la rue Dansaert. Mais citons aussi le Boulevard de l’Empereur où même notre bourgmestre fait un écart pour éviter un nid de poule. Monsieur Mayeur, voudriez-vous bien me refaire ce même écart avec une file de voitures à côté de vous?
  • A d’autres encore, les pistes sont soit plus étroites qu’avant (Mont des Arts) soit non-respectées parce que servant de zone de livraison là où on les a supprimées (rue Van Arteveld). Pas très pratique à 9h du mat…
  • Et notons enfin ces routes où en quittant la piste cyclable, vous vous retrouvez dans des où des rues très étroites ou face à des places de parking (rue Duquesnoy).

Et aujourd’hui, sans doute que parce que selon son expérience empirique, il est « si simple de rouler à vélo à Bruxelles », Yvan Mayeur a décidé de s’occuper de ces dangereux cyclistes qui roulent à tombeau ouvert sur les boulevard du centre. Dorénavant, circulez au pas (maximum 6 km/h) ou vous risquez la prune. Comment votre vitesse sera-t-elle contrôlée? Quelle sera l’amende? Pourquoi les taxis ont eux le droit de rouler à une vitesse maximum de 10 km/h? Le pas n’est-il pas le même pour tous? Mystère…

Monsieur Mayeur se rend-il compte que cette limitation ôte tout l’avantage que confère le fait de rouler à vélo en ville, c’est-à-dire aller plus vite qu’à pied et souvent qu’en transports en commun? Si je devais appliquer cette limite de 6 km/h à mon trajet quotidien, je mettrais plus d’une heure à rejoindre mon travail depuis chez moi…

Même le code de la route l’a compris. S’il demande à tout conducteur de rouler au pas, voire de s’arrêter dans une zone piétonne, il précise que les cyclistes ne doivent le faire que lorsque la densité de personnes circulant à pied est élevée et qu’elle rend le passage difficile (Art. 22sexies.2 du code de la route). La police de la Ville de Bruxelles voudrait-elle se montrer plus catholique que le Pape?

Par ailleurs, cette nouvelle décision semble aller totalement à l’encontre de ce que la majorité de la Ville a pris, lors de sa prise de fonction, comme engagements. Le programme de politique générale 2012-2018, intitulé « Une ville qui change pour tous les Bruxellois » (tous!), promet (je cite) de « faire du vélo la «petite reine» » (p.61) en nommant, parmi les mesures à prendre :

  • « Privilégier les revêtements adaptés aux vélos sur les itinéraires cyclables et sur les grands axes; (…)
  • Systématiser, chaque fois que c?est techniquement possible, l?aménagement de pistes cyclables sécurisées, marquées ou à défaut suggérées à l?occasion de tout réaménagement de voiries;
  • Renforcer le contrôle du respect des pistes cyclables (stationnement en double file) par la création de brigades cyclistes chargées de sillonner la Ville et de verbaliser les véhicules stationnés en double file; (…) »

Ces belles paroles semblent bien loin au vu de ce que tout cycliste traversant Bruxelles pour aller et revenir du boulot peut, depuis le 28 juin, quotidiennement constater dans le centre-ville.

En faisant du piéton son roi, Bruxelles abandonne sa Petite Reine et celles et ceux qui aiment circuler en ville autrement.

Pssst, Monsieur Mayeur… Permettez-moi de vous rappeler que rouler à trois de front, comme vous le faites avec ces deux policiers rue des Augustins et rue des Six-Jetons, est interdit par le code de la Route. Ça vous évitera une contravention. Je dis ça, moi, je dis rien…

 

Disclaimer : j’ai milité pendant deux ans au sein du GRACQ – Les Cyclistes Quotidiens

Photo de une : © omnia_mutantur

2 COMMENTS

  1. Ce piétionner est l’exemple parfait d’un politique qui n’écoute ni le besoin, ni les enjeux d’une ville censée être la capitale de l’Europe.

    L’utopie de penser que le vélo a sa place à Bruxelles au 21ème siècle, sans une offre de transport en commum qui puisse se substituer à la voiture est un manque de réalisme qui coute cher (et pas que financièrement).
    Après la tare d’avoir un « ring » qui n’est en fait qu’un « C » au tour de la ville, ce qui est déjà une extraordinaire vision de la mobilité à Bruxelles, on nous offre un centre piétonnier que personne n’a demandé, qui repousse l’offre de mobilité en dehors du centre…

    Combien de temps devrons nous encore supporter ces imbécilités ?

  2. Et aujourd’hui, sans doute que parce que selon son expérience empirique, il est « si simple de rouler à vélo à Bruxelles », Yvan Mayeur a décidé de s’occuper de ces dangereux cyclistes qui roulent à tombeau ouvert sur les boulevard du centre.

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