Quartier Rogier, l’urbanisme canal historique

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© http://xdga.be/
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La future place Charles Rogier est un des chantiers marquant de ces dernières années. Conçu en 2006, mis en doute en 2009, il devrait être finalisé en 2015. Les premières structures métalliques de la partie extérieure de la station Rogier sont enfin visibles.

© XDGA, photo Frans Parthesius
© XDGA, photo Frans Parthesius

Ce chantier induit discrètement une perception de la ville, de ses usages, de son urbanisme. Il souligne les points de vues, voire les politiques à l’oeuvre. La place Rogier c’est 60 ans de choix douteux, de bruxellisation tonitruante, de débilité urbanistique comme Bruxelles en a le secret, et nos politiques souffrant historiquement de médiocrité en ces matières, il n’est guère étonnant de constater une série de choix discutables…

Clivages et voisinage

Jonction ferroviaire, petite ceinture, tours, les obstacles sont nombreux entre les quartiers limitrophes et la place Rogier, île fort déserte hors affluence des heures de bureau plantée au milieu d’une forêt d’acier et de verre. Noeud liant métro, tram et bus, l’auvent donnera un air de téléport galactique à la station Rogier renforçant d’autant son statut de point d’accès stratégique à la Ville. Pour autant s’intègre-t-elle dans le « tissu » urbain, ou détourne-t-elle l’attention des chancres et déserts voisins ?

Saint-Lazare et Botanique

© 2012 Atelier d'Architecture de Genval.
© 2012 Atelier d’Architecture de Genval.

La Silver Tower jettera bientôt son ombre sur les bas quartiers de Saint-Josse. Un projet ambitieux, utopique, de soudure du parc Botanique par la conversion du boulevard Saint-Lazare en zone verte est mort cet été, il n’aura pas survécu aux lubies automobilophiles du Bourgmestre Kir (la chaussée de Louvain rendue aux voitures c’est lui aussi). La circulation sera maintenue, les zones verdurisées et de nouveaux revêtements utilisés. C’est surtout le contraste entre des zones paupérisées, vouées à la prostitution et jouxtant un projet de rénovation urbaine qui, du fait des structures administratives locale et régionale, n’impacte in fine que des zones très lointaines (l’accès à la rue Neuve depuis les quartiers de la 2e couronne de Bruxelles, l’image de Bruxelles, la vue depuis la petite ceinture, un repère…), délaissant les zones limitrophes ou leur délestant les nuisances dont la place Rogier ne doit plus souffrir.

Albert II, Jacqmain

La circulation périphérique à la place Rogier devra bien se faire via d’autres routes. La rue du Progrès devenant à travers la place un accès aux couloirs de bus de la petite ceinture, aucun trafic automobile ne passera plus là pour rejoindre la Gare du Nord ou les parking des bureaux. Dégagée de son trafic (on pourra toujours y croiser les taxis et les voitures rejoignant les hôtels) la place sera bordée par des points de congestion satellites dont la réalité est observable depuis la mise en sens unique des deux boulevards menant à Anspach.

Convivialité

Revêtement du sol

Viabuild se targue de placer 1540 dalles de 2 x 2 mètres, coulées dans un béton blanc incrusté de galets. C’est « naturel » comme un parc paysager ou un granito coulé, c’est surtout une plaie pour tout ce qui n’est pas piéton à semelles plates. Va donc faire de la trotinette, du skate ou du roller sur des galets. Vas-y ose l’escarpin. Ce sera moins glissant que la dérapantissime pierre bleue mais c’est d’une fourberie de vielle bique craignant les ollies et ne percevant pas l’essor des déplacements alternatifs.

C’est blanc aussi, autant dire salissant, à proximité d’un axe Bruxelles – Flandre parcouru par des diesels microparticulants… ca ne va pas durer durer cette virginale blancheur, ça va aussi éblouir à souhait en période lumineuse.

Ca rajoute surtout une ceinture vivante à un bloc de béton concentrant hôtel, supermarché, salle de fitness dont l’usage limité dans le temps ne fera pas fuir, les 20 heures passées, les péripatéticiennes qui zonent dans les rues  proches… un beau tapin que ces galets, l’occupant de terrasse parti, la zone de chalandise pourrait grandement s’étendre au delà des traditionnels axes Albert II, Jacqmain, Laeken et strotjes alentour.

Hypothétiques bar, immeuble et centre de conférence…

Qui fera usage de la place ? Les résidents des hôtels ? Qu’est-ce qui pourra « fixer » un public à l’endroit ? Porte d’accès aux théâtres, aux ministères, aux bureaux, à la Rue Neuve côté City2 la place en elle-même ne semble pas porter les germes d’une nouvelle popularité.

Pour l’anecdote…

Bien que ce soit temporaire, à l’heure actuelle l’arrêt du 61 baptisé Rogier (« connexion tram ligne 3, 4, métro ligne 2 et 6 » comme le serine l’ignoble voix des annonces d’arrêt) déssert le Boulevard Albert II et le Passage 44. De là, à espérer justesse et précision de la part de la STIB semble un doux rêve, elle qui put nommer deux niveaux d’une même station d’un nom semblable, jetant une confusion obligeant la création des panneaux via Midi, via Rogier.

 

Sources

1 COMMENT

  1. « C’est « naturel » comme un parc paysager ou un granito coulé, c’est surtout une plaie pour tout ce qui n’est pas piéton à semelles plates. »
    C’est exactement ce que je me suis dit l’autre jour, découvrant ces dalles, même pas visuellement sympa à l’heure actuelle, et déjà plus tout à fait blanches…

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