Pourquoi je n’aime pas le Dimanche sans voiture

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photo dimanche sans voiture
Dimanche sans voiture à Bruxelles

La semaine de la mobilité s’achève avec le dimanche sans voiture et il est de bon ton de se réjouir d’un tel événement. Vous n’êtes qu’un sinistre rabat-joie si vous n’êtes pas capable de goûter au plaisir d’une journée sans bagnole à Bruxelles. Vraiment? Cette prise d’otages journée de fête est l’occasion pour des enfants de monter sur un vélo pour la première fois sur une avenue où roule encore le bus ou pour des parents de sortir leur progéniture dans un métro qu’ils ne fréquentent jamais. Les bus en semaine sont peut-être bondés, mais au moins ils sont remplis de personnes qui savent comment se comporter dans les transports en commun (se tenir quand c’est nécessaire, dégager les sorties, ne pas planter son vélo en plein milieu d’un couloir,…). Je préfère emprunter la STIB en pleine heure de pointe en semaine qu’un dimanche sans voiture.

Dimanche sans voiture à Bruxelles
Dimanche sans voiture à Bruxelles

Bon, j’admets, grâce à la journée sans voiture, j’ai économisé deux tickets de métro, mais c’est plutôt une recette perdue pour la STIB qu’une réelle source de réjouissance. De toute façon, je ne suis pas dupe, je paie mes impôts à Bruxelles, je paie donc pour la gratuité des transports un dimanche par an.

Je note, cette année, un changement de justification de cet événement cyclo-anarchiste-festif. Auparavant, on nous le vendait comme l’occasion d’initier l’automobiliste à l’alter-mobilité. Après une dizaine d’expériences, force est de constater que cela n’a guère marché (c’est un Belge qui a écrit l’article, pas la peine de rouspéter sur ces étrangers qui ne comprennent pas la belgitude). Les automobilistes ne sont d’ailleurs pas forcément mécontents de ce chômage technique. Cette journée de repos leur offre 364 jours de bonne conscience. D’ailleurs, la manif pour le climat était organisée ce jour-là. La journée sans bagnole c’est aussi efficace pour la mobilité que la Earth Hour pour préparer aux futurs délestages d’électricité.

Aujourd’hui, la motivation est devenue beaucoup plus terre-à-terre. Il est vain d’inciter à l’automobiliste à renoncer à son char, mais profitons tous, piéton quotidien, stibard averti ou automobiliste rabique, de cette journée sans bruit de moteur. Ce n’est plus une journée de mobilisation, c’est une journée de fête, de détente. On -distribue des pochettes à cartes, les communes prêtent des barbecues pour réunir les voisins. Du coup, il n’est plus possible de considérer que le dimanche sans voiture loupe le coche et on est vite pris pour un incorrigible grincheux. De manière assez surprenante, écologistes et automobilistes ont trouvé un ennemi commun: la personne qui n’aime pas le dimanche sans voiture.

Moi, j’aimerais ma ville avec moins de voitures, mais tous les jours. Un peu comme chez moi. Dans mon coin d’Anderlecht, le dimanche sans voiture n’est pas d’application; nous sommes à l’extérieur du ring. L’usage de la voiture y est raisonnable toute l’année. La vitesse y est naturellement limitée. Pas de limitation à 30km/h non respectée, pas besoin de coussins berlinois. Mon fils peut jouer sur le trottoir, voire parfois traverser la rue sans trop faire attention. Un peu comme on pouvait jouer au ballon dans certaines rue d’Etterbeek dans les années 1980. En revanche, son ancienne crèche était située sur un boulevard où le 50 n’est pas toujours respecté, sans passage pour piétons et encore moins de feu tricolore. J’aurais préféré qu’on s’attelle à ce genre de problèmes avant d’interdire la bagnole un jour par semaine. Non, je ne peux pas me réjouir un dimanche par an, alors que le reste de l’année il faut attendre 1 minute et 10 secondes pour qu’un feu « sur demande » passe du rouge au vert pour les piétons, d’autant qu’il donne accès à un arrêt de bus.

Je ne suis pas anti-voiture, je suis pour un usage raisonnable de celle-ci. Il y a des moments où il faut louer une cambio pour aller à la déchetterie, prendre son break pour une sortie en famille. Il y a des moments où on aimerait avoir une voiture plutôt que d’avoir besoin de 2 bus et de 2 métros pour faire une visite aux journées du patrimoine (ou plutôt que devoir se farcir l’altitude 100 en vélo). La vie en ville ne se limite pas à la première couronne. Mais la mobilité c’est aussi arrêter de détourner des bus et de supprimer des arrêts parce qu’il y a match ou un concert sur la voie publique. La mobilité, c’est respecter le piéton et ne pas lui compliquer la vie, voire l’exposer à des situations dangereuses. La mobilité, ce n’est pas un dimanche sans voiture.

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Bxlblog se caractérise par la diversité de sa rédaction. D’un côté, on peut ne pas être fan du Dimanche sans voiture. De l’autre, Benoît en a profité pour prendre quelques photos ce dimanche.

11 COMMENTS

  1. oui bref dans un monde idéal, les gens qui ont besoin d’une voiture (VOUS) peuvent en faire usage et ceux qui n’en ont pas vraiment besoin (LES AUTRES) ne devraient pas l’utiliser, nottamment dans le quartier où VOUS habitez… Enfin, perso je suis nullement un inconditionnel du vélo et encore moins un fan de la journée sans voiture mais c’est précisément des raisonnements comme le votre qui menent aux problèmes de mobilité à Bruxelles.

  2. Je plussoie. La journée sans voiture, c’est une débauche de moyens alors qu’il faut faire des économies sur tout et tout le temps.

    La journée sans voiture en ville est aussi absurde que de vouloir obliger des villageois à se déplacer obligatoirement en voiture.

    Pour tous les citadins qui veulent une journée sans voiture, je les invite à prendre le train pour aller marcher dans les dunes ou en forêt.

    La ville, ça se partage. Pas tout pour la voiture mais pas tout pour les autres non plus.

    Mais bon, nos hommes politiques cachent leur médiocrité et le manque de résultat de leurs politiques par des organisations festives aussi nombreuses que non-prioritaires. Panem et circenses = Alloc et concerts gratuits

  3. Je plussoie et je monsoie. Je plussoie car effectivement ce n’est pas cette journée qui va changer quoi que ce soit. On se fait plaisir, on reçoit des cadeaux des transports en commun qui le reste de l’année sont OU en retard OU en panne OU en grève OU pilotés par des impolis (je caricature). Je plussoie car c’est effectivement le jour le plus dangereux pour des enfants jetés en pâture sur la voie publique qui se feront harponner par des taxis furieux ou des skateboarders.
    Là où je moinssoie c’est quand je vois où vous habitez. Apparemment, la voiture n’y fait pas encore trop de dégâts chez vous. Moi j’habite Auderghem, commune coupée en 4 par le viaduc illégal (encore un) Hermann-Debroux et par le bd du Souverain. Dans mon quartier (Pinoy), j’ai fait installer un radar pédagogique voici deux ans et récemment, faire rétrécir un carrefour dangereux (avec de nombreux piétons renversés) avec installation de coussins berlinois.
    Si on pouvait supprimer cette journée sans voiture et consacrer ce budget à l’amélioration des transports en commun, à la sécurité des voiries, à la signalisation…. Je signe des deux mains. Je vous laisse, je prends ma voiture pour aller chercher mon pain à l’autre bout de la rue.

  4. Ah mais je suis totalement d’accord pour qu’on transfère le budget du dimanche sans voiture à la prévention de la sécurité routière et l’amélioration des transports en commun, c’est bien là où je veux en venir. Ce n’est pas parce que j’habite Anderlecht que je nie les problèmes liés aux voitures (embouteillages, vitesse excessive, pollution…). Bien au contraire, je suis pour qu’on utilise le moyen de transport le plus adéquat possible. Je n’ai jamais eu de voiture (voilà pour lemmi, qui pense lire entre mes lignes sans les lire), mais il m’arrive d’être contente d’être co-voiturée pour certaines occasions (uniquement les weekends!). J’ai toujours choisi où j’habitais en fonction de la desserte en transport en commun et de la proximité de magasins, ce qui fait que je n’ai jamais eu besoin de voiture.

  5. Cher Philippe,

    Par simple curiosité, avez-vous connu la construction du viaduc Hermann-Debroux ?

    Merci

  6. Francisco, non, je suis à Auderghem depuis 1994 seulement. Voici deux ans, ma commune avait fait une grande rétrospective sur le sujet, aussi pour sensibiliser ses habitants quant à son éventuelle réaffectation.

  7. Merci Caroline. Je ne pourrais pas être plus d’accord avec votre opinion. Journée où l’on se fait prendre en otage par les autorités locales; où l’on est obligé de trouver l’idée « cool »; ou les pouvoirs publiques se donnent bonne concience pour ne rien faire en faveur d la mobilité le reste de l’année.

    Ce qui me surprend chaque fois c’est la docilité avec laquelle les bruxellois acceptent cette privation de liberté pour un jour. Le concepte serait impensable si les libertés individuelles etaient prises plus au sérieux…

  8. Ce qui est marrant c est d observer les gens qui sautent dans leur voiture à 18h, on ressent bien qu’ils ont été privé de quelque chose d’important.

  9. Effectivement c’est une journée « bordel » : les gosses roulent à vélo n’importe où sans regarder devant eux, les parents se promènent à pied sur la rue en pensant qu’ils sont seuls au monde. Et je ne veut même pas essayer les transports en commun, que j’utilise sinon pendant le reste de l’année. Mais il faut bien commencer quelque part. Je ne pense pas que j’étais au courant de toutes les conventions la première fois que j’ai pris le métro. Et je n’étais pas très prudent lorsque j’ai commencé à rouler en vélo.

    Pour moi, ce n’est pas une prise d’otage. Les gens peuvent partir le matin et revenir le soir. Moi, je préfère me réveiller une fois par an en m’étonnant du silence. Est-ce que ce n’est pas le bruit de fond des voitures, la prise d’otage ? Est-ce que ce n’est pas la pollution ?

    Mais je suis tout à fait d’accord sur la nécessité d’aménagements à faire, tant pour les piétons que pour les cyclistes. Quand on marche ou qu’on roule à vélo régulièrement, on se rend bien compte qu’on « pèse » moins qu’une voiture. On doit risquer sa vie pour faire respecter la priorité sur les passages piétons. On doit parfois traverser un carrefour en deux, voire trois fois en attendant les feux verts. Est-ce qu’on imaginerait une voiture s’arrêter à deux feux rouges pour traverser un seul carrefour ? Et quand on emprunte les pistes cyclables, on se rend compte que c’est plus souvent une vitrine qu’un chemin vraiment praticable.
    A quand l’égalité piétons / vélo / conducteurs ?

  10. Quelle belle idée que cette journée sans voiture! Comme chaque année, j’ai choisi de quitter Bruxelles pour passer une journée tranquille à l’abri des agressions des cyclistes inciviques qui envahissent tout et plus spécialement les trottoirs. Cette année, j’ai pris le train (je ne possède pas de véhicule automobile) pour passer quelques jours tranquilles à Lyon.

  11. Ce qui me dérange dans le dimanche sans voiture, c’est qu’il s’agit de poudre aux yeux. On veut encourager l’usage du vélo dans une ville comme Bruxelles, bâtie sur des collines comme Rome. Que de kilos de peinture inutile sur la chaussée pour des inscriptions dont le sens échappe à tout le monde. Que l’on m’explique comment faire ses courses en vélo, que l’on m’explique comment véhiculer ses enfants sans danger pour eux (avec bien entendu 1 enfant comme en Chine), que l’on m’explique comment utiliser un vélo à Bruxelles si l’on est âgé ou un peu handicapé. Il s’agit ici d’idéologie et non de mobilité.

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