le feuilleton du printemps 7 : le cocker de la peur

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feuilletonprintemps©AlietteGriz

Le cocker de Monsieur Détecteur se grattait l'oreille.

C'est une occupation assez courante chez les cockers, qui permet au chien de rester vigilant, sans faire mentir sa nature animale. En effet, ce cocker n'était pas moins chien qu'un autre. Il connaissait les limites de son espèce, et n'entendait pas les dépasser.

 

Chaque matin et chaque soir, une petite promenade. Entre les deux, il restait dans la camionnette, ou accompagnait son maître, pour certaines visites 'chien testâ?. En redoutable homme d'affaires qu'il était, Monsieur Détecteur avait tout de suite su tirer partie de l'arrivée d'un chien à ses côtés. Depuis longtemps, certains clients lui réclamaient un service, qu'il venait de conceptualiser, sous l'appellation dog alert. Le consommateur est certes insatiable, mais il aime bien, aussi, centraliser ses besoins. Monsieur Détecteur était donc la première firme de détections / protection / surveillance, à avoir un catalogue de chiens. Et pour le moment, les premières demandes étaient prometteuses. Entre deux détecteurs, les gens choisissaient le chien qui conviendrait le mieux à leurs besoins.

 

Besoin d'être rassuré ? On prend un chien câlin.

Besoin de compagnie ? Un chien collant.

Besoin de protection ? Vous avez le chien méchant.

Besoin d'un souffre-douleur ? Il y a le chien bouc émissaire.

Besoin de se sentir supérieur ? Le chien con fait très bien l'affaire.

 

(L'auteur s'excuse de ne pas rentrer plus spécifiquement dans les questions canines, mais signale à ses lecteurs médusés que : 1. elle n'aime pas tellement les chiens, ce ne sont que des prétextes. 2. elle n'y connait donc rien.)

 

Le chien de Monsieur Détecteur, lui, se classait dans la catégorie 'bazarâ?. C'était un chien qui se dispersait, et qui faisait confiance à tout le monde. Monsieur Détecteur avait bien essayé de le dresser, pour qu'il fasse un peu peur, et qu'il soit convaincant, dans le rôle de mascotte d'une société de surveillance, mais cela ne fonctionnait pas. Le chien ne tenait pas en place (il était jeune) et agitait la queue sans aucune retenue, à la rencontre des clients les plus intimidants. Il n'avait pas peur, mais ne faisait pas peur non plus.

 

Pour détourner l'attention de ses clients, qui risquaient de ne pas faire confiance pour les protéger, à un homme qui se promenait avec un animal si débonnaire, Monsieur Détecteur avait inventé un collier qui servait autant à localiser le chien, qu'à contrôler la domotique que le client avait à sa disposition. L'idée était de permettre à l'homme de ne pas s'encombrer de télécommandes aux batteries si limitées, sans compter qu'on les perdait tout le temps, quand on avait à ses côtés un animal, qui pouvait transporter un engin autour de son cou, au design futuriste, rechargé à l'énergie solaire.

 

Il n'y a pas de petite invention.

Ã? suivre

Aliette Griz

Ã?pisodes précédents :

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