STIB : Y en a marre (de tout)

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Mardi matin, vacances scolaires, pluie contre les vitres. Déprime. Un jour où l’on n’a pas envie de sortir de chez soi.

Mais rester chez soi, par ce temps, c’est encore plus déprimant. Alors il faut sortir, affronter les éléments et se rendre là où nos obligations plus qu’obligatoires nous attendent. Et un peu de chaleur humaine, peut-être…

Sauf qu’en ce petit mardi d’avril, où l’on se couvre d’écharpes, bonnets et imperméables et où l’on réfléchit à l’idée de ressortir les gants, c’est l’enfer.

On nous avait promis un enfer brûlant, aux flammes de Lucifer, on nous a menti : l’enfer, c’est un petit matin de pluie où l’on attend son bus en vain…

Les nouvelles, nous les connaissons. La violence, nous la condamnons. Des solutions, nous n’en avons pas forcément.

Il était important, et j’ai soutenu ce discours ce week-end, de marquer le coup. Qu’un employeur décide d’arrêter ses activités commerciales parce qu’un de ses employés est mort dans l’exercice de ses fonctions est un geste humain et, en faisant cela, la STIB en tant qu’entreprise a eu toute ma sympathie.

Trois jours. Trois jours à se débrouiller (ou ne pas trouver de solution) pour se déplacer.

Beaucoup ont pris leur mal en patience : ratant un dîner de famille, les courses au marché du dimanche ou une visite au musée.

Mais certains, même le week-end, travaillent : personnel soignant des hôpitaux et maisons de repos, agents de sécurité, personnel dans l’horeca…

Je n’ai pas choisi ces exemples par hasard : il y a une vie qui grouille, une ville qui vibre, qui bûche, qui bosse.

Des personnes qui soignent, qui protègent, qui nourrissent…

Et ces travailleurs sont souvent les plus mal payés de notre société. Ils n’ont pas forcément un véhicule, ils viennent parfois de loin, ils ont un boulot éreintant physiquement, ils se font parfois également insulter, agresser.

Ces travailleurs ont du se débrouiller durant tout le week-end pour se rendre à leur poste de travail. Certains ont râlé, pas toujours gentiment, je l’accorde. Mais ils ont compris (à des degrés divers) que le personnel de la STIB ne voulait pas reprendre le travail « avant d’avoir rencontré la Ministre« .

Nous avons tous attendu l’issue de cette réunion. Nous avons lu, rapidement le document, certains ont peut-être déjà analysé les termes de celui-ci : la lecture rapide laisse suggérer que Bruxelles ressemblera un peu à un état policier. Ce n’est pas forcément rassurant…

Photo asbl Longchamps-Messidor

Ce matin pourtant, la colère gronde au sein des nombreux navetteurs qui ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail normalement.

A titre personnel et individuel, je peux comprendre que tel ou tel employé de la STIB n’a pas le coeur, le courage, l’envie de retourner au travail.

Je ne sais pas quelle serait ma réaction < > : peut-être que si j’étais une employée de la STIB, mes émotions prendraient le relais sur ma raison. La peur serait trop forte. Si j’avais des enfants en âge scolaire, je ne pourrais sans doute pas leur infliger mon départ au travail. Il y a peu de chance que je soutienne leur regard plein d’angoisse.

A moins que je ne sois de ceux qui ont besoin, pour s’en sortir, d’être dans l’action : de reprendre le travail, de refaire les gestes du quotidien, tellement rassurants.

Si ça se trouve, chauffeur de bus, j’aurais la surprise, ce matin, de recevoir des regards de sympathie de la part des usagers, des mots gentils, des sourires.

Les discussions seraient allées « bon train »,

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le voyage se passerait dans le calme, avec des conversations, qui ne changent rien au drame, mais qui font chaud au coeur.

Si j’étais retourné au travail ce matin, en douceur, je n’aurais pas, en plus du choc et de la tristesse, la colère des Bruxellois qui gronde, qui gronde, qui ne comprennent pas… qui en ont marre…

J’aurais créé un pont entre moi, employé de la STIB, et eux, usagers du quotidien qui se font agresser également. Et même plus souvent… Eux non plus ne s’attendent pas à se faire tabasser sur le chemin du travail.

Nous aurions pu discuter ensemble de ces problèmes de sécurité qui nous concernent tous, nous serions solidaires, le combat aurait été celui de tous les Bruxellois, même s’ils ne sont en ville « que »
< >

pour travailler.

Nous mettrions tout sur la table : les automobilistes qui grillent les priorités, les usagers qui insultent les agents de la STIB, les chauffeurs qui roulent brutalement en ville, manquant de faire tomber cette dame qui n’a pas eu le temps de s’asseoir. Nous aurions pu aussi parler des autres morts, dans nos rangs également : ces hommes et femmes, morts sur la route tués par un tram

Nous aurions créé des liens. Un peu d’humanité dans ce monde de brutes. Une solidarité qu’aucune mesure politique, forcément trop radicale ou trop laxiste, ne peut créer, cette chose qui plus sûrement que quelques policiers supplémentaires dans nos bus nous assureraient une plus grande sécurité….

Dommage, employé de la STIB et autre syndicaliste, de ne pas avoir saisi cette opportunité…

Yelyam

17 COMMENTS

  1. Je comprends ce mécontentement des usagers mais c’est le seul moyen de faire pression sur les politiques. Le problème est sur la table depuis des mois et on craignait d’en arriver à un drame. Voilà qui est fait. Alors quoi maintenant ? tout le monde reprend son petit boulot et on continue comme avant ? C’est triste à dire mais plus les navetteurs seront en colère, plus les politiques bougeront leur cul. Si vous avez d’autres moyens de faire pression, c’est l’occasion.

  2. Ce 4eme jour de crachin , de tristesse et de choc n’est que le premier jour de grève des personnels de la STIB. Evidemment le plus difficile puisque c’est la reprise du boulot.Comme vous Yelyam, je ressens profondément qu’une grande partie de notre qualité de vie dans la région-capitale passe par la qualité de nos séjours dans les transports en commun. Que ce qui sy’ passe, d’agréable et de désagréable fait partie de notre vie et de notre culture bruxelloises. Que les funérailles d’Iliaz Tahiraj ne se sont pas encore déroulées, et que la famille du défunt et les syndicats seraient bien avisés d’y inviter les usagers que nous sommes. Qu’une action avec pin’s pourrait aussi être lancée, sur les thèmes suivants : « SOS STIB, I -petit coeur-(love) my chauffeur » ou  » La civilité c’est le début de la sécurité ». Et des débats dans les écoles perturbées par les arrivées en retard.
    Combien de fois, nous , usagers, assistons muets à des impolitesses, des grossièretés adressées à qui que ce soit sans moufter?
    Il n’est pas trop tard, et même si ces 4 jours sans trasnports en commun sont pénibles, je pense qu’on peut comprendre la réaction des agents de la STIB , leur dire notre solidarité et leur demander le dialogue. exprimer notre respect pur la triple et lourde tâche des conducteurs : conduite, billets et maintien de la sécurité à bord des véhicules.
    Dans un autre service public, à l’hôpital, j’ai été témoin d’un moment de stress provoqué par l’irruption dans le service d’un individu suspect qui n’avait rien à y faire. Toutes les portes des chambres ont été fermées un petit temps. Façon de dire que le risque peut être partout, et que la première chose à faire est aussi d’exprimer notre soutien à ceux qui nous transportent, nous soignent, ,nous nourrissent. Patience et comprehension, l’enjeu est commun, vivre et bouger en bonne intelligence, en citoyens.

  3. Je compatis à la douleur de la famille ainsi qu’à tous ses collègues et je leur présente mes condoléances les plus sincères. Si on ne peut nier la violence qui règne dans certains quartiers de la Région bruxelloise , on doit constater que d’autres catégories de travailleurs subissent cette agressivité dans le cadre de leurs missions. Les travailleurs des soins de santé, des inspecteurs sociaux, les enseignants. ….. Il ne faut pas que ce mouvement soit récupéré par une organisation syndicale pour faire de la surenchère, faire grève plus longtemps dessert les travailleurs de la STIB et leur cause qui est commune , d’ailleurs, à beaucoup d’autres travailleurs ! Le problème se pose au niveau de la Justice qui subit, actuellement, les rigueurs budgétaires alors que nos politique n’avaient pas été suffisamment attentifs pour y investir antérieurement. La Justice comme l’enseignement sont des piliers de notre démocratie à nos responsables politiques à de ne pas l’oublier !

  4. Merci pour ce texte clair et posé, cette reflexion du arrive après l’émotion.

  5. On parle beaucoup moins par contre de la jeune fille tuée par un bus dont le chauffeur conduisait en téléphonant sur son GSM, également à la STIB, il y a un jour ou deux …

  6. Selon certaines sources et d’après l’enregistrement vidéo, le conducteur n’était pas au téléphone. Enfin bon, pour moi ça ne change pas grand chose. On peut téléphoner tout en étant attentif. Ca se saurait si l’un n’était pas compatible avec l’autre. Tout ça, sans savoir s’il utilisait une oreillette ou pas. Avant, on interdisait la radio dans les bus pour ne pas distraire le chauffeur puis on ne pouvait pas lui faire la causette. Il devenait un véritable automate sans se demander si cela posait véritablement un problème de conduite. Bref, il s’agit là d’un accident malheureux. Dans le cas qui nous occupe, les employés de la STIB (et d’autres) dénoncent une montée de la violence, des conditions de travail et des demandes qui n’aboutissent pas depuis des lunes. Il ne faut pas tout mélanger.

  7. Merci , je ne l’aurais pas mieux écrit !
    Et si nous parlions aussi de ces chauffeurs qui nous agresse « verbalement » ou pas! Qui ne respecte pas leurs horaires ! Qui ont une conduite dangereuse ! Du prix exorbitant des « titres de transport » ! Et des correspondances entre les « lignes » qui ne fonctionne pas !( parfois jusqu’a 10min d’attente entre deux véhicule de ligne différente!!! si pas plus) UN exemple très précis , chaque matin le tram 94 arrive a « winner » ( correspondance ,17 ou 95). Le tram 94 n’as pas encore ouverts ses portes que le 95 démarre !!!! Et voilà nous somme bon pour attendre le suivent ( prévu 5 min plus tard et mais JAMAIS a l’heur!!) 25 ans que prend les transport public et franchement y a souvent de quoi être enragé ! :-(

  8. Il ne faut pas tout mélanger… Eh bien peut être que c’est le moment de faire également le point sur les comportements des travailleurs de la Stib et plus particulièrement des conducteurs de tram qui n’ont aucun respect pour les piétons et les vélos. Les accidents avec les trams ca n’arrête pas et personne ne fait rien à la Stib . Pourtant toute les personnes autour de moi ont déja eu des problèmes avec des trams. On devrait tout simplement suprimer les quelques droits que les trams possèdent en plus par rapport aux autres usagers. Pour le reste c’est juste un service public qui ne cesse d’augmenter avec des chauffeurs de bus malpolis (sans faire de généralité non plus) ,l’impossibilité d’acheter des tickets quand on a pas la monaie juste dans un bus ou tram, l’impossibilité d’acheter des tickets dans des stations de metro comme porte de hall si on a pas sa carte de banque avec soi. Même chose pour le prix qui ne cessent d’augmenter et pourtant aucun progrès au niveau des horaires. Le dernier bus qui passe près de chez moi finit son service à 23 heures.

    « Enfin bon, pour moi ça ne change pas grand chose. On peut téléphoner tout en étant attentif. Ca se saurait si l?un n?était pas compatible avec l?autre. » toute les études prouvent le contraire. Heureusement que tout le monde ne reflechit pas comme ça. c’est tellement évident que l’attention à la route est diminuée lorque que l’on mange ou que l’on téléphone au volant.

  9. Faut arrêter de voir la vie en noir. Je crois qu’on a déjà beaucoup de chance d’avoir un service comme celui-là. Je sais que tout n’est pas toujours rose, qu’il y a (beaucoup) de choses à améliorer, mais quand je lis des gens qui attende 10 minutes pour un bus… Ohh mon dieux 10 minutes pour une correspondance! Sérieux? Sommes-nous si pressés? Ne peut’-on pas mettre ce temps à profit?

    Quand je pense que certains peuples mettent plusieurs heures à chercher de l’eau. Oui, oui de l’eau! Nous, nous nous plaignons pour 10 minutes d’attente de bus. Toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus stressé!

    La grève est regrettable et ça cause beaucoup de souci, mais comme le disait plus haut Soky, c’est actuellement le seul moyen de faire pression sur les politiques. Comme le dit Yelyam, un dialogue, des liens auraient du/pu être créé et ce ne fut pas le cas, malheureusement.

    Arrêtons de toujours broyer du noir, voyons un peu la vie du bon côté. Même quelques minutes par jour.

    Non mais! :)

  10. « toute les études prouvent le contraire » et quelles sont-elles ?

    « c?est tellement évident » ah bon ? et en voiture vous n’allumez jamais la radio au risque d’être trop attentif au débat, même chose avec vos hôtes.

    « lorque que l?on mange » nul part j’ai parlé de cette attitude. Manger nécessite la coordination des mouvements alors qu’ils peuvent être à tout moment sollicités. Je désapprouve totalement ce comportement.

  11. Tout ce que je pense vient d’être énuméré dans votre article. Et tout en finesse !

    Soky, je n’ai pas fait de recherche concernant les études qui prouvent que le gsm aux volant diminue l’attention, mais ça semble logique que c’est vrai, et si c’est puni d’une amende, je ne pense pas que ce soit juste pour renflouer les caisses de l’Etat.

    Et personnellement, le cas de cette jeune fille tuée (parmi tant d’autres) par le tram m’intéresse tout autant que le superviseur assassiné. Ca aurait pu être ma fille ! Et le superviseur, mon mari, mon père ! C’est tout aussi grave, et cela aussi doit évoluer dans le bon sens ! Plus de sécurité (routiére) et moins d’insécurité, d’agressivité (autant des usagers que des chauffeurs !) …

  12. Et voila l’étude:

    Téléphoner au volant détourne votre attention et comporte par conséquent des risques pour la sécurité routière. Les utilisateurs d?un kit mains libres courent, eux aussi, un risque important d’accident. C’est pourquoi, l’IBSR lance une campagne de sensibilisation sur les dangers du GSM au volant.

    Une étude montre que le risque d’accident augmente de 75 % avec un GSM en main et de 24 % avec un système mains libres. L’attention consacrée à l?interlocuteur l’emporte sur la conduite. Pendant un appel, les conducteurs ralentissent, adoptent un comportement hésitant, oublient de regarder les signaux routiers, refusent des priorités et réagissent plus lentement.

    De toutes les sources de distraction au volant, le téléphone portable est de loin la plus dangereuse. Selon une enquête menée par l’IBSR, 81 % des conducteurs reconnaissent que cette pratique augmente le risque d’accident. Toutefois, une personne sur deux téléphone en conduisant.

    La nouvelle campagne se déroule du 27 juillet au 23 août. Le slogan  » Téléphoner au volant détourne votre attention » sensibilise aux dangers du GSM en conduisant, même avec un kit mains libres. La campagne se décline sous forme d’un spot TV et d’affiches le long des principales routes, dans les services publics ainsi que dans les transports publics bruxellois.
    La police intensifiera les contrôles en la matière durant la campagne. Toute infraction est passible d’une perception immédiate de 100 ?.

    Plus d’information sur http://www.jesuispour.be

  13. Vous savez, nous en France, on a mieux : les grèves de 15 jours pour pouvoir partir à la retraite à 50 ans. Cette réflexion pour vous donner un peu de baume au coeur…

  14. Je me demande s’il y eut des représentants de la STIB à l’enterrement de cette jeune fille…. ?

  15. Je travaille aussi dans le secteur des transports en commun, dans une société aussi touchée par la violence que la STIB. Quand j’entendais du drame du samedi, j’étais aussi ému que les STIBiens, et la décision de la direction me semblais tout à fait correcte. On ne peut pas exiger que les gens puissent fonctionner normalement, comme rien ne s’est passé.
    Malheureusement, les problèmes ne peuvent être réglé dans le coup, il faut du temps pour le changement sociétal, dont on en a besoin. Les STIBiens qui pensent régler les choses avec une blocade, se trompent. Une grève n’a presque jamais eu le résultat espéré. Une grève contre les aggressions non plus. Au contraire.

  16. J’ai du mal à comprendre comment, après autant d’années de grève, les transports en commun attendent encore de voir le changement qu’ils espèrent en agissant de la sorte.
    A combien s’élèvent au juste le nombre de grèves par an, en Belgique? Et qui espère encore être crédible? En tout cas, à la STIB, la TEC et la SNCB, à mes yeux vous avez perdu toute crédibilité depuis longtemps…
    Les grèves ne sont utiles que parce qu’elles sont exceptionnelles et touchent les personnes visées par la protestation.
    Vous croyez vraiment qu’en visant les navetteurs 15x par an, vous allez changer quelque chose à l’insécurité qui vous préoccupe…?

    Je me dis souvent que si moi et mes collègues faisions grève aussi souvent que vous pour toutes les choses qui fonctionnent mal à l’hôpital, et pour la violence (effectivement, il y en a), des vies seraient régulièrement mises en danger. Alors la grève, aussi justifiée soit-elle et même lorsqu’elle concerne tout le pays, on ne la fait pas; question de conscience professionnelle. Si on s’était octroyés le droit de s’arrêter aussi souvent que vous ces dernières années, ce seraient vos familles, vos amis, vos collègues, qui en auraient été les premières victimes.

    A l’heure où les transports en commun sont valorisés un peu partout, où les titres de transports coûtent par ailleurs toujours plus cher, ce comportement est révoltant. Bon nombre de gens qui circulent dans vos bus, trams, métros, en semaine ET le week-end le font parce qu’ils TRAVAILLENT. Comme vous. Avec des inconvénients, des mauvais jours, des horaires inconfortables, des injustices et des limites, comme vous.

    En espérant (si possible?) que ce commentaire en fasse réfléchir certains…

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