Une femme libre

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Des cris à quelques pas de moi. Une femme surexcitée parle « des hommes, de la violence, des femmes ». Je ne comprends pas ce qu’elle dit, ni pourquoi elle parle si fort.

Je réalise à ce moment-là que la lumière est allumée, que le film est terminé.

Mon regard se pose sur la rangée devant moi : un homme sort un mouchoir de sa poche et le tend à une femme qui pleure.

Je prends mon manteau, mon écharpe, mes gants. A ce moment-là, la réalité me rattrape : il s’agit d’un petit matin de novembre bruxellois.

En remontant l’allée, je vois cette femme qui sanglote, son visage dans les mains. Elle est consolée par son compagnon qui l’entoure de son bras protecteur.

A ma droite un autre couple, hébété, choqué. Ils ne disent pas un mot. Ils se tiennent par la main.

Ce que je réalise d’abord, c’est que ce sont des femmes en pleurs ou en énervement. Mais ce que je souligne surtout c’est que ce sont des hommes qui les consolent, les rassurent, les protègent.

Je sors du cinéma Vendôme. Il y a du soleil et je suis une femme libre.

Je viens d’assister, avec d’autres, à une séance de cinéma organisée par l’asbl Les Loupiottes dans le cadre du ciné club « Les Samedis du ciné« . Un samedi sur deux, deux films (un pour enfants, un pour adultes) au prix plus que démocratique de 2,50€ par personne.

Je tenais à tester la formule. J’ai même poussé le vice jusqu’à rentrer relativement tôt de ma sortie, la veille.

La séance à 10h30, pour la « Ministre des Sorties » que je suis, ça semblait presque impossible…

Mais j’y suis arrivée (motivée sans doute par le fait que j’avais déjà passé une très bonne soirée au Parc Savoy, jeudi soir, grâce à Dimitri From Paris, pour fêter les six ans d’existence du lieu. Après ça, mon vendredi soir pouvait être calme, malgré le très bon DJ set de Daryl au café Tigre).

Pour ma première séance j’ai eu droit à la projection de « Fleur du désert ». L’histoire d’une fille partie de Somalie pour se retrouver sur les couvertures des magazines de mode et autres « catwalk » (après quelques péripéties, bien entendu).

Le résumé, lu comme ça, semble presque banal. Mais ce film, c’est d’abord l’histoire d’une femme qui s’est battue pour une vie meilleure. L’histoire, aussi et surtout, d’une femme (malheureusement parmi beaucoup d’autres) qui ne bénéficie pas des mêmes libertés que moi, et qui a subi une excision à l’âge de trois ans.

Pendant que je marche, je me dis que l’excision n’a pas uniquement pour objectif d’empêcher les femmes de jouir (oui, jouir !) d’une certaine liberté sexuelle.

Tout leur est interdit.

Alors, en parcourant les rues de la ville, après avoir assisté à une séance de cinéma de mon choix, dans le quartier que j’ai choisi, au moment où des pensées plus triviales traversent mon esprit (vais-je d’abord manger dans un petit restaurant ou chez moi ? M’accouder seule à un quelconque bar du quartier, ou appeler des amis ?), ma liberté, j’en profite. Je la savoure.

Je me dis qu’être une femme au 21ème siècle à Bruxelles, c’est une grande chance.

Je n’oublie pas, cependant, cette petite phrase, à la fin du film, sur le fait que l’excision est toujours pratiquée, non seulement en Afrique, mais également en Europe et aux Etats-Unis au sein des communautés d’immigrants des pays concernés.

Alors, en marchant dans ma ville, je m’inquiète….

fleur-du-desert

7 COMMENTS

  1. Cool, une nouvelle plume dans l’équipe ! Avec un bien beau texte, en plus. :-)

    Au risque de faire le mec pas politiquement correct, il y a aussi plein de petits garçons dont on mutile le sexe chaque année. Ici et ailleurs.

  2. Joli texte… Criant de vérité…
    Nous avons beaucoup de chance de vivre ici !
    Francbelge, on mutile certes le sexe des p’tits enfants (tu parles probablement de la religion juive ?) mais pour une question d’hygiène, pas pour une question de suppression du plaisir et par la suite de toute indépendance, c’est à mes yeux incomparable…

  3. @Ingrid

    Pour une question d’hygiène…. supposée. En réalité, la circoncision n’a aucun effet hygiénique prouvé.

    @Yelyam

    Merci pour ce texte et désolé pour la (semi-)digression.

  4. Circoncision, voilà le mot qui ne voulait pas revenir à mes lèvres =)
    Sur ce, je n’alimente pas le débat, comparer l’excision et la circoncision est hors de propos je pense…

  5. la différence entre les deux c’est que les garçons souffrent quelques jours ,les filles souffrent toute leurs vie .

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